Rencontre Chef de l’Etat-Syndicalistes lundi dernier : Essè Iko moins enthousiaste que Todjinou, Lokossou…

Publié le mercredi 24 août 2016

Pour la première fois depuis son investiture, le Chef de l’Etat a rencontré les secrétaires généraux des confédérations syndicales le lundi 22 août 2016 au palais de la Marina. Beaucoup de syndicalistes réclamaient d’ailleurs ce rendez-vous. Il est arrivé plus de quatre mois après. La rencontre a eu lieu dans des «conditions conviviales». D’où l’enthousiasme de certains secrétaires généraux. Seulement que leur collègue de la Confédération syndicale des travailleurs du Bénin (Cstb) n’est pas aussi emballé.

Paul Essè Iko n’est pas aussi enthousiaste que ses collègues secrétaires généraux des confédérations syndicales par la rencontre que le Chef de l’Etat leur a accordée lundi dernier à la présidence de la République. D’accord pour rencontrer le président Patrice Talon, mais le moment n’était pas pour se caresser dans le sens des poils, voire pour se dire de doux mots, comprend-t-on du message porté à la connaissance de l’assistance par le secrétaire général de la Cstb. Essè Iko a relevé beaucoup de failles au gouvernement de la rupture. Son intervention s’est faite sur huit points. Au sujet des réformes, par exemple, le Sg/Cstb a déploré que les AOF des ministères sont élaborés sans que les travailleurs ne soient associés. De même, poursuit-il, malgré la ruine constatée de l’école (avec les derniers résultats scolaires) nous apprenons que des commissions de réforme sont installées et travaillent secrètement dans un secteur aussi sensible que vital. La question du respect des libertés démocratiques, le non-fonctionnement de la commission nationale permanente de concertation et de négoci-ations entre le gouvernement et les syndicalistes sont autres points sur lesquels la Cstb n’est pas en phase avec le gouvernement de la rupture. Elle donnera néanmoins de bonnes notes à Patrice Talon sur l’annulation des concours frauduleux, l’abrogation de décrets et arrêtés arbitraires et frauduleux. La Cstb salue les audits des services et sociétés de l’Etat et voudrait croire que les auteurs des crimes économiques ne resteront pas impunis. Dans tous les cas, Paul Essè Iko est resté fidèle à lui-même. Talon, pour lui, ne mérite pas encore qu’on le magnifie. Dans le même temps, on note une certaine satisfaction de la part de certains de ses collègues surtout sidérés par l’ambiance qui a prévalu à cette rencontre. Pas parce qu’ils n’ont pas saisi l’occasion pour présenter leurs préoccupations au Chef de l’Etat. «Nous avons trouvé des choses qui ne marchaient pas et nous avons fait remarquer cela» a clarifié Noël Chadaré, secrétaire général de la Cosi-Bénin.

Intervention de Paul Essè Iko à la rencontre

Au nom de la CSTB, je vous remercie d’avoir pris l’initiative de rencontrer les confédérations syndicales.

Nous profitons de cette occasion pour vous dire quelques mots sur ce qui préoccupe les travailleurs que nous avons l’honneur de représenter auprès du gouvernement.

Avant l’avènement de votre gouvernement les travailleurs se sont beaucoup battus  contre une mauvaise gouvernance faite de violations répétées des  libertés démocratiques, de scandales politiques et économiques, du règne de la corruption et de l’impunité, de mauvaises conditions de vie et de travail. L’atmosphère était devenue invivable dans le pays. C’est ce qui a amené ma Confédération à adhérer à l’idée d’organisation des Etats Généraux qui pourraient aider votre gouvernement à mieux cerner les désidératas du peuple et  gouverner avec plus d’aisance pour que les préoccupations des travailleurs et des peuples soient satisfaites.

De telles assises nationales pourraient créer de conditions rassurantes pour la signature d’une charte de dialogue social entre le gouvernement et les syndicats des travailleurs. Ainsi les diverses réformes que votre gouvernement initie pourraient se dérouler en s’assurant de la prise en compte véritablement des désirs des populations.

Mais vous avez préféré gouverner seul.

 

1- Au sujet des réformes

A cet effet, nous, travailleurs avons été obligés d’organiser le 1er juin dernier un Forum qui a synthétisé nos préoccupations  que nous avons adressées à la commission des réformes politiques et institutionnelles. Le Forum a mis un accent particulier sur la nécessité d’une représentation des travailleurs à l’Assemblée Nationale où se prennent les grandes décisions sur la vie des fils et filles du pays. De même, le Forum a pensé que, pour mieux lutter contre la corruption et la mauvaise gouvernance, il faut généraliser l’expérience des universités où les recteurs, les doyens et les chefs de départements sont élus par la communauté universitaire. Il faut généraliser cette expérience à tous les autres secteurs de l’administration publique en faisant élire les Directeurs Généraux et autres directeurs techniques des services publics. Cela pourrait se faire sans prendre assez de temps. Vous-même, président de la République avez reconnu dans votre programme de campagne que les nominations étaient mauvaises et qu’il fallait recourir à des appels à candidature.

En vous écoutant, le 1er août dernier, vous sembliez renvoyer les appels à candidature à un (01) an plus tard, soit après les réformes. Pourquoi ne pas généraliser tout de suite l’expérience d’élection déjà connue à l‘Université ?

Les AOF des ministères sont élaborés sans associer les travailleurs. De même, malgré la ruine constatée de l’école (avec les derniers résultats scolaires) nous apprenons que des commissions de réforme sont installées et travaillent secrètement dans un secteur aussi sensible que vital.

2-Qu’en est-il du respect des libertés démocratiques ?

Après la répression de la marche des étudiants par le Préfet Modeste TOBOULA qui a inventé des lignes et zones rouges interdites de manifestations, nous avons été surpris de vous entendre le soutenir, le 1er août dernier en laissant croire que les informations auraient fait état de ce que les étudiants marcheraient sur votre domicile qui, du reste n’est pas sur l’itinéraire de marche définie par les manifestants. Et même si une telle information avait circulé cela ne suffisait pas pour violer les libertés de manifestation, alors que vous avez tous les moyens pour faire sécuriser votre domicile et tout autre point sensible. Il  n’est pas inutile d’appeler votre attention sur la tradition de marches acquise par les travailleurs  sur la présidence avec le feu Général KEREKOU et le Président Nicéphore SOGLO qui descendaient parfois eux-mêmes pour recevoir les manifestants.

De même, vous avez, semble-t-il cautionné, la répression des étudiants sur le campus et l’invalidation de l’année en envoyant les forces de l’ordre réprimer dans le sang vos enfants qui ne revendiquent que le droit d’étudier dans de bonnes conditions. Le gouvernement doit réagir contre des mesures scélérates anti-démocratiques prises par les autorités de la FLASH et le recteur Brice SINSIN.

3- Des avancées notables.

Nous profitons de l’occasion qui nous est offerte pour vous féliciter et féliciter votre gouvernement pour la décision d’annulation des concours frauduleux et l’engagement à poursuivre les auteurs de fraudes devant l’administration et la justice. Vous faites la différence avec le gouvernement de Boni YAYI qui avait annulé les concours frauduleux et en même temps a promu les auteurs de la fraude.

De même vous êtes en train de détecter et de sanctionner les faux diplômes dans l’administration civil et militaire. Cela est un mérite.

4- Abrogation de décrets et arrêtés arbitraires et frauduleux

L’abrogation des différents décrets et arrêtés pris de façon frauduleuse et arbitraire, nous paraît, normale. Il faudra poursuivre cette campagne de salubrité.

Ainsi la CSTB a saisi le gouvernement, à travers la Ministre du Travail et de la Fonction Publique sur la nécessité d’abroger le décret N°2014-396 du 15 juillet 2014 portant nomination des membres du Conseil Economique et Social (CES), 5ème mandature et la signature d’un autre décret qui réhabilite la CSTB. Aujourd’hui, seules trois Confédérations syndicales sont représentatives au Bénin : la CSTB, la           CSA et la CGTB.

Nous vous avons envoyé en ampliation et aussi au Ministre de la Justice la lettre adressée au Ministre en charge du travail.

5- Les audits des services et sociétés.

Nous saluons l’audit commandité et publié sur la gestion de la société SEGUB de 2012 à 2016 et l’engagement à poursuivre les mis en cause devant la justice. Tout le peuple souhaite vivement que ces audits publiés soient étendus à toutes les sociétés et services publics à partir au moins de 2006 jusqu’en 2016 surtout que les crimes économiques sont imprescriptibles.

6- Autres préoccupations

  • Résolution des problèmes des travailleurs :
  • du ministère de la santé  où les travailleurs revendiquent des primes et l’amélioration du plateau technique depuis des années sans succès ;
  • du ministère de la justice en grève réclamant la signature des statuts particuliers des agents non magistrats et non greffiers ; le reversement, reclassement et la titularisation des agents recrutés depuis 2011 ; l’arrêt des violations des libertés syndicales (assignation en justice des responsables syndicaux par le Président du tribunal de 1èreinstance de Ouidah)
  • du ministère de l’Intérieur et de la Sécurité Publique où : des contractuels recrutés sur concours par l’Etat sont mal gérés ; des travailleurs des forces para-militaires notamment ceux de la police sont menacés de sanction disciplinaire pour avoir défendu leur droit conformément à la loi et aux conventions internationales ratifiées par le Bénin. Il y a là une grave menace de violation des libertés syndicales des corps para-militaires ;
  • des ministères de l’éducation :

- reversement des communautaires et éducatrices sans salaires depuis huit (08) ans ; reversement des enseignants contractuels du Primaire et du Secondaire. Sortie accélérée des contrats, des avenants, des actes d’avancements, de reclassement et de promotion des enseignants qui se fatiguent de faire plusieurs tours dans les ministères, etc.

- le reclassement des enseignants contractuels de l’Etat reversés en 2008 détenteurs de diplômes professionnels obtenus dans les ENS de l’Etat avant la formation organisée par l’Etat en 2011 ;

- le recrutement des enseignants vacataires comme agents contractuels de l’Etat

- le recrutement des enseignants volontaires de l’ANPE, du Ministère de la jeunesse et des enseignants ex-appelés du service militaire d’intérêt national ; La correction des décrets portant statut particulier des enseignants du Primaire et du Secondaire ;

- le paiement des 1.25 à tous les ayants droit y compris les retraités enseignants et non enseignants, qui sont, jusque là, laissés pour compte par le trésor public ;

- la jouissance par les chercheurs de l’enseignement supérieur de leur décret de reclassement dans les différents corps créés, à l’instar de leurs homologues enseignants- chercheurs ;

- le règlement des problèmes des encadreurs des Ecoles Normales Intégrées formés et laissés en rade.

7- La violation des libertés syndicales dans le secteur privé.

Les travailleurs en général au Bénin ont un bas salaire et ceux du secteur privé souffrent cruellement du manque de libertés syndicales parce qu’ils ne sont pas protégés par les textes en vigueur.

Ils est nécessaire, à l’instar des dispositions qui sont prises pour installer un tribunal de commerce, d’ œuvrer pour la création d’un tribunal de prud’homme qui va mieux protéger les travailleurs et réviser le code du travail et d’autres textes régissant les travailleurs du secteur privés. A cet effet, il est indispensable de déférer ces textes à réviser devant le comité paritaire de la fonction publique.

Voir secteur par secteur pour le détail des revendications.

8- Non fonctionnement de la commission nationale permanente de concertation et de négociations : confédérations syndicales – gouvernement.

Malgré le dépôt des cahiers de revendications et des motions des organisations syndicales des travailleurs, le gouvernement ne convoque pas les réunions de cette commission que de façon exceptionnelle, donc en session extraordinaire pour débattre de façon superficielle des problèmes lorsqu’il y a crise dans un secteur. Il faut faire fonctionner normalement cette commission en programmant d’avance les sessions à tenir  et les sujets à débattre dans un climat apaisé.

 Le Secrétaire Général Confédéral

Paul Essè IKO.-

Impressions des syndicalistes après la rencontre

Pascal Todjinou (Sg/Cgtb) : «Nous lui avons fait le point de la situation au niveau des travailleurs. Il s’est engagé que toute suite on va ouvrir les négociations pour que nous travaillions ensemble. Nous nous sommes séparés dans une ambiance d’amitié, de fraternité entre des égaux quand bien même c’est le Président de la République. On a fait une remarque dans la salle : même si nous voulons enlever notre chapeau pour parler, il dit non et ajoute que nous sommes entre nous. Vous-mêmes vous le savez qu’entre ce que ça donne comme résultats».

Dieudonné Lokossou (Sg/Csa-Bénin) : «Les problèmes essentiels pour lesquels nous ne sommes pas d’accord sur son style de gouvernance, on le lui a dit. Par exemple la commission nationale qu’il a mise en place pour faire des réformes. Mais les 500.000.000 FCfa qu’on a sortis, nous lui avons fait cas poliment. Il s’est expliqué. Je crois qu’il a compris. Bientôt c’est la rentrée. Mais avant la rentrée, la grande commission paritaire qui s’occupe des questions entre le gouvernement et les confédérations va se réunir pour que nous ayons une rentrée apaisée».

Noël Chadaré (Sg/Cosi-Bénin) : «C’était une discussion à bâtons rompus. Chacun a abordé les sujets qui lui tenaient à cœur. Mais dans l’ensemble on peut retenir que ce qui a été posé comme actions positives par le Chef de l’Etat, tous les secrétaires généraux ont appréciées commune l’annulation des concours frauduleux, la décision courageuse du découpage territorial, la réduction du train de vie de l’Etat entre autres, et enfin la chasse aux faux diplômes. Mais en même temps nous avons trouvé des choses qui ne marchaient pas et nous avons fait remarquer cela à savoir certaines décisions dans les réformes».

Propos transcrits par Joseph-Martin Hounkpè


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