Passation de service au ministère de la justice : Michel Adjaka sans pitié pour Valentin Djènontin

Publié le mercredi 24 juin 2015

Dans son discours prononcé lors de la cérémonie de passation de charges entre les Gardes des Sceaux le lundi 22 juin 2015, le secrétaire général de l’Union nationale des magistrats du Bénin (Unamab) a été sans ménagement et sans pitié sur la manière dont le ministre Valentin Djènontin a géré la maison justice. Lire quelques extraits du discours du juge Michel Adjaka.

« (…) Monsieur le Garde des Sceaux sortant, Valentin DJENONTIN AGOSSOU, le 12 août 2013, soit un an, dix mois et dix jours, vous preniez les reines du prestigieux ministère de la Justice et citant incomplètement un passage de la Bible tiré de l’épitre de Paul aux Romains, chapitre 13 versets 1-3 vous disiez «Que toute personne soit soumise aux autorités supérieures; car il n’ya point d’autorité qui ne vienne de Dieu, et les autorités qui existent ont été instituées de Dieu. C’est pourquoi, celui qui s’oppose à l’autorité résiste à l’ordre que Dieu a établi, et ceux qui résistent attireront une condamnation sur eux-mêmes.»

La suite de ce passage qui fait allusion aux magistrats a été habilement écartée. Ce chaînon manquant dit ceci: «Ce n’est pas pour une bonne action, c’est pour une mauvaise, que les magistrats sont à redouter. Veux-tu ne pas craindre l’autorité ? Fais-le bien, et tu auras son approbation. Le magistrat est serviteur de Dieu pour ton bien. Mais si tu fais le mal, crains; car ce n’est pas en vain qu’il porte l’épée, étant serviteur de Dieu pour exercer la vengeance et punir celui qui fait le mal. Il est donc nécessaire d’être soumis, non seulement par crainte de la punition, mais encore par motif de conscience.»

Le passage occulté révèle, Monsieur le Garde des Sceaux sortant, votre conception de la justice. Pour vous, il n’y a d’autorité que celle qu’incarne le Chef de l’État. Tous les autres pouvoirs lui doivent allégeance et soumission. C’est avec cette foi erronée que vous avez géré en vingt-trois (23) mois le monde judiciaire béninois avec une feuille de route secrète. Pour la mettre à exécution, vous avez, comme au CNHU, le 13 septembre 2013, soit un mois après votre installation, créé avec la complicité des collègues préoccupés par des promotions illégales et non méritées, l’Association des Magistrats du Bénin. Mais très tôt, ces magistrats dits «patriotes» ont compris qu’ils ont une carrière et non un mandat, et qu’ils n’ont aucun intérêt à se rendre complices de la destruction planifiée de la magistrature béninoise.

Quel avantage y-a-t-il à triompher sans gloire en devenant au forceps Président du Tribunal ou Procureur de la République au mépris du plan de carrière prévu par nos statuts et en violation des règles qui renforcent et confortent l’indépendance de la justice ?

Ces collègues ont été inspirés, à l’instar d’Ecclésiaste fils de David, pour se rendre à l’évidence que «vanité des vanités, tout est vanité et poursuite du vent.»

Comme cet échec cuisant ne vous paraît pas suffisamment éloquent, vous avez, quelques mois plus tard, fait appel à la majorité gouvernementale à l’effet de nous arracher le droit d’association, de grève et la liberté d’opinions, en réplique à la réforme du Conseil Supérieur de la Magistrature initiée par certains Honorables, alors que les magistrats étaient en lutte contre la confusion des pouvoirs à travers des nominations illégales, fantaisistes et clientélistes. Contrainte de contre-attaquer, l’UNAMAB n’a eu d’autres recours que de sonner la mobilisation pour battre le macadam à Porto-Novo les 10, 17 et 24 juillet 2014. Par cette initiative, vous avez non seulement réussi à consolider les liens entre le peuple béninois et sa justice, mais à sonner le glas de la cohésion qui régnait au sein de la majorité parlementaire.

Monsieur le Garde des Sceaux sortant, votre dévouement et votre loyauté excessifs au Chef de l’Etat et non à la République ont plongé la maison justice dans plusieurs mois de grève avec pour corollaire la désorganisation du tissu judiciaire de notre pays à travers:

– la quasi inexistence du double degré de juridiction,

– l’inexistence de Procureur de la République au tribunal de Djougou, de Natitingou et de Président à Porto-Novo,

– l’absence de véhicule de transport des détenus et surtout de prisons à Pobè, Aplahoué, Savalou, Djougou et à Allada,

– la réduction drastique de l’effectif des magistrats du Parquet de Cotonou d’abord de neuf (09) à six (06), ensuite de six (06) à cinq (05), celui de Porto-Novo et d’Abomey à trois, alors que le tribunal de Ouidah a été compressé de neuf (09) magistrats à cinq (05),

– l’absence de rations régulières aux détenus,

– la non-adoption des décrets d’application du Code de Procédure Pénale, notamment le décret relatif au casier judiciaire qui devrait soulager les peines de nos compatriotes contraints à parcourir des dizaines de Kilomètres avant de se procurer cette précieuse pièce,

– la rareté des sessions d’assises faute de moyens financiers,

– les fréquentes immixtions dans les procédures sensibles qui ont entamé l’image de la gouvernance de ces dernières années;

– l’halogénation exagérée du Ministère de la justice,

– l’instauration de la médiocratie en remplacement de la méritocratie qui, avant 2006, gouvernait la promotion des magistrats.

Les résultats que vous pourrez revendiquer, loin d’être le fruit d’une gestion planifiée et avisée du secteur de la justice, sont en réalité le fruit de la lutte syndicale sans concession. Alors que l’UNAMAB s’est toujours montrée ouverte à la réflexion et à la concertation avant toute action ou décision, votre agenda occulte vous a toujours imposé, au grand dam des intérêts des justiciables, l’affrontement, le mépris, l’improvisation, la provocation, l’humiliation et la confrontation.

Monsieur le Garde des Sceaux sortant, l’UNAMAB a beaucoup appris de vos manœuvres politiciennes. Elle vous excuse pour votre vision altérée de la justice. Malheureusement, la justice n’est pas un instrument apte à broyer les opposants et à protéger les partisans et courtisans impliqués dans les détournements de deniers publics et autres crimes. Elle est au contraire la seule voie qui conduise vers la prospérité. La justice est pour l’investisseur, ce qu’est le médecin pour le malade. Sans une justice transparente et crédible, aucune politique publique ne peut efficacement et durablement réussir. Dans un État de droit, seule la force judiciaire, engagée avec sérénité et discernement, peut contraindre le citoyen sans qu’il ait la possibilité de réagir ou de résister. La force mécanique ou pécuniaire n’est que source de heurts et de malheur. C’est pourquoi, pour Blaise PASCAL, «La justice sans la force est impuissante ; la force sans la justice est tyrannique (…).» C’est d’ailleurs cette vision valorisante de la justice qui a inspiré à Benjamin CONSTANT à conseiller aux gouvernants, «Soyez justes quoi qu’il arrive, car si vous ne pouviez gouverner avec la justice, avec l’injustice (…), vous ne gouverneriez pas longtemps.»

Si cette conviction axée sur la promotion de la justice et la combinaison responsable de la force publique et de la force judiciaire n’est pas acceptée par le Gouvernement, c’est en vain qu’il aura fait recours aux bailleurs de fonds et à la diaspora pour espérer la prospérité partagée. «La Justice, écrivait Portalis, est la première dette de la souveraineté.»

Aussi longtemps que Lionel MESSI et Cristiano RONALDO, les deux meilleurs attaquants que le monde footballistique ait jamais connu, ne parviennent pas à réussir le miracle respectivement en Argentine et au Portugal, leur pays d’origine, il serait difficile, sans une politique cohérente et concertée axée sur l’indépendance du pouvoir judiciaire et la lutte contre la corruption de prétendre développer le Bénin par des solutions empruntées ou importées.

En clair, Monsieur et madame les Gardes des Sceaux sortant et entrant, la justice est l’Alpha et l’Oméga de toute politique de développement génératrice de sécurité, de liberté et de prospérité. C’est pourquoi, toute politique menée contre elle est vouée à l’échec.

 

Madame le Garde des Sceaux entrant, Maître Evelyne da SILVA AHOUANTO, vous êtes le neuvième Ministre de la justice en neuf années de changement et de refondation, soit en moyenne un Ministre par an. Je vous félicite de prendre les commandes d’un Ministère que le Président de la République a voulu instable. Malheureusement, je ne vous connais pas assez sur l’échiquier judiciaire pour vous prodiguer des conseils avisés et personnalisés. Je sais que vous êtes avocate de profession, mais il ne suffit pas d’être avocat pour prétendre maîtriser la maison justice. Au-delà des dossiers défendus dans le prétoire, le succès au Ministère de la justice passe avant tout par la connaissance approfondie des enjeux, des acteurs ainsi que des forces et faiblesses du dispositif institutionnel. Vous pouvez compter sur les conseils de vos confrères et magistrats qui partagent votre vision de la justice. Mais que valent les conseils sans conviction et connaissance personnelles de l’environnement que l’on a à manager ? Comme vos prédécesseurs, vous courez le risque d’être très tôt pris en otage par les courtisans et partisans assoiffés de promotion et d’impunité. Mais comptez sur l’UNAMAB pour vous en délivrer saine et sauve.

Le fait d’être avocat personnel du Chef de l’Etat peut être pour vous un atout et un handicap. Un atout, parce que vous pourriez avoir son attention. Un handicap si le Chef de l’Etat continue de vous considérer comme son avocat personnel et non comme l’avocat de la justice béninoise. Dans cette dernière posture vous pouvez, à l’instar de vos prédécesseurs, être tentée d’abuser de votre position dominante pour instrumentaliser le système judiciaire béninois. L’UNAMAB, étant indifférente au sexe masculin ou féminin du Garde des Sceaux ne ménagera aucun effort pour vous sanctifier.

Madame le Garde des Sceaux, comme il est possible en plusieurs mois de distraire la justice et ses acteurs, il n’est pas exclu qu’en quelques jours vous puissiez impulser une nouvelle dynamique à cette maison en gravant votre nom dans la conscience des justiciables et des acteurs de la justice.

A cet effet, il vous faudra:

-rendre plus transparentes les nominations de magistrats et l’organisation des concours d’auditeurs de justice,

-reformer le Conseil Supérieur de la Magistrature devenu un véritable obstacle à l’indépendance du pouvoir judiciaire;

-faire exécuter les décisions de justice, notamment le mandat d’arrêt décerné contre l’Honorable Orou SE GUENE bloqué pour des raisons politiciennes

-donner à la justice les moyens appropriés pour lutter efficacement contre la corruption,

-faire prendre les décrets d’application du Code de Procédure Pénale,

-assurer la formation continue des magistrats par la création de l’École Nationale de la Magistrature et du Greffe et assurer le redéploiement des trente huit (38) collègues en attente de nomination faute de robes depuis plusieurs mois;

-conseiller au Chef de l’État de bien vouloir cesser de livrer les magistrats et leurs familles à la vindicte populaire ;

-suggérer plutôt au Président de la République de sortir des placards le dossier relatif à la passation des marchés d’acquisition d’engins à la SOBEMAP qu’il a révélé, les rapports de l’Inspection Générale d’État et de l’Assemblée National sur la gestion des fonds FADEC, l’affaire d’acquisition de machines agricoles, les scandales dans les marchés de construction de routes, notamment l’axe Parakou-Djougou (lot 1), Comé-Lokossa-Dogbo et la Bretelle Zounhouè-Athiémè, Savalou-Tchetti-frontière du Togo et Logozohe-Glazoué, Bodjecali-Madecali-Illoua-Frontière du Nigeria (lot 2), Akassato-Bohicon, Maria-Gléta gate, la poursuite des personnes impliquées dans les concours frauduleux annulés, la gestion à la Chambre de Commerce et d’Industrie du Bénin, ainsi que d’autres scandales non encore révélés.

Convaincu que votre mission sera difficile mais pas impossible, l’UNAMAB vous souhaite bonne chance dans cette noble aventure à vous confiée par le Chef de l’État.

Je vous remercie

 

Ministère de la communication et des Tic

Etienne Kossi, l’approche par compétence

Le  Ministère de la communication et des technologies de l’information et de la communication (Mctic) a un nouveau patron depuis peu. Il a pour nom, Etienne Kossi, ingénieur supérieur des télécommunications, anciennement ministre de la jeunesse et des sports,  membre de l’Autorité de régulation des communications électroniques et postales (Arcep), pour ne citer que ces postes-là. C’est donc un homme averti des questions de télécommunications et des Tic qui est désormais aux commandes de ce département ministériel sensible dans les politiques stratégiques de développement amorcées et conduites depuis 2006 par le Dr Boni Yayi.

Du reste,  Etienne Kossi prend en main la destinée d’une maison à laquelle il est habitué pour y avoir déjà passé près de 30 ans de vie professionnelle.  Mais l’homme a des principes qui le distinguent et qui sont utiles pour  booster un secteur dont les problèmes sont encore nombreux, en dépit des efforts déployés ces dernières années par ses prédécesseurs. Rigueur, efficacité, sérénité, assiduité, sont entre autres les traits qui caractérisent le nouveau ministre de la communication. Le choix fait en sa personne par le chef de l’Etat répond donc sans doute à son souci de développer ce secteur. Le plus important, soutient-le nouveau ministre, est le résultat attendu de chacun et de chaque action. A la cérémonie de passation de service avec le ministre sortant, Jean Gbéto Dansou, il a surtout fait observer que les défis à relever dans ce secteur demeurent nombreux, et qu’il faille résolument que chacun se mette au travail. Si au niveau des médias béninois, on peut observer une nette amélioration en matière de qualité et d’organisation ces dernières années, il y a encore des couacs non négligeables au niveau des télécommunications, selon Etienne Kossi. D’où l’urgence d’une thérapie dans ce compartiment qui  brasse  d’importantes ressources financières actuellement au Bénin. Mais la bataille du développement  des télécommunications et des Tics au Bénin ne sera gagnée que dans la synergie des actions des uns et des autres.  Et pour y arriver, les réformes entreprises de part et d’autres doivent être conduites avec plus d’efficacité, selon Etienne Kossi qui espère que son avènement à la tête de ce  ministère sera une « occasion de capitalisation des réalisations dans une ambiance de confraternité ».

Source : Cell/Com Mctic

 

 

 


via La Presse du Jour http://ift.tt/1BAoTIs
Categories: ,