Les enjeux d'une éventuelle exclusion de certains partis politiques des échéances électorales

Publié le dimanche 15 mars 2015


Après les nombreuses marches, les meetings recto-verso, on peut être tenté de se demander qui a gagné et qui a perdu. En première analyse, certains diront que c'est l'opposition politique, ou c'est la société civile qui a gagné.




Mais, au-delà de l'évidence et de la volonté d'appropriation de cette victoire, compréhensible du reste, une approche plus vertueuse devrait placer au centre, le Peuple burkinabè tout entier. Sous cet angle, il s'agit donc de tous les burkinabés, incluant même ceux-là qui ont osé défier l'intégrité et la bravoure de ce même peuple. En effet, s'il n y' avait pas eu de tentative de modification de l'article 37 de la Constitution, il n'y aurait pas eu d'insurrection populaire mettant à rude épreuve l'apothéose du dernier quinquennat du président Blaise COMPAORE et ouvrant la voie à l'alternance politique dans notre pays dont les jalons sont entrain d'être posés par le pouvoir transitoire.


Justement pour que cette transition soit une réalité, il faut bien que dans une dynamique transparente et plurielle, permettre à tous les partis politiques de chercher à influencer une politique gouvernementale, en nommant ses propres candidats et en tentant d'obtenir des mandats politiques par leur participation aux élections.

Loin s'en faut cette idée d'inclusion n'est pas forcement partagé par une partie des Organisations de la société civile et même par certains partis politiques aussi bien de l'ex opposition radicale que de celle modérée.


Ablassé OUEDRAOGO du Faso Autrement a été l'un des pionniers à réclamer à l'issue de l'insurrection populaire des 30 et 31 octobre dernier et en marge de la suspension du CDP, de l'ADF-RDA et de la FEDAP-BC, l'exclusion des personnes issues des partis et formations politiques ayant soutenu la révision de l'article 37 de notre constitution de la course aux élections à venir.


Aussi, la sirène de cette thèse « exclusionniste » a été entendue et venant également du juridisme tel que prôné et défendu par un des leaders bien connu de la société civile, le professeur Luc Marius IBRIGA, qui à l'interprétation de son raisonnement, il appert que les responsables de l'ancienne majorité semblent être comparables à des criminels nazis. De ce fait, ils doivent être frappés d'indignité politique et d'inéligibilité pendant au moins cinq ans selon les termes de la charte africaine sur la démocratie et la bonne gouvernance.


Le M21 par la voix de son président vient nommément citer les personnes à exclure notamment issue à l'évidence des 8 partis politiques affiliés à l'ancienne majorité présidentielle et du Front républicain dont le CDP, l'UNDD, l'ADF-RDA, l'UPR, les Verts du Burkina en précisant « qu'il n'y aura pas d'élections, si le CDP est en course », avant d'appeler « ceux qui ont bravé les armes à feu les 30 et 31 octobre » à se tenir prêts pour le mot d'ordre général.


L'argument qui soutien cette position des uns et des autres est essentiellement juridique car se basant sur l'article 25 de la charte Africaine sur la démocratie et la bonne gouvernance adoptée par la huitième session ordinaire de la conférence tenue le 30 janvier 2007 a Addis Abeba (Ethiopie) et qui stipule que « Les auteurs de changement anticonstitutionnel de gouvernement ne doivent ni participer aux élections organisées pour la restitution de l'ordre démocratique, ni occuper des postes de responsabilité dans les institutions politiques de leur Etat »


Ce Formalisme qui fait prévaloir rigoureusement le texte de la loi (humaine ou divine) sur les principes de justice ou d'équité sociale dans le contexte actuel du Burkina ou les autorités de la transition on fait de leur cheval de batail la réconciliation des filles et des fils du pays ne devrait pas être mis en exergue et par voie de conséquence devrait être battu en brèche.


D'abord l'Administration électorale ne peut pas de son propre gré exclure certaines personnes ou partis politiques à la course aux élections sur la base de cette charte sauf peut être en faisant application d'une vérité judiciaire (décision de justice).


Aussi, même si le Conseil constitutionnel amené un jour à se prononcer sur cette question suite à sa saisine par les partis politiques qui ont intérêt, risque d'avoir des difficultés insurmontables dans l'application de cette charte Africaine. Car je me pose les questions suivantes : sur la base de quel critère surtout objectif doit on exclure les anciens dignitaires du régime COMPAORE ? Si c'est à travers cette position politique affichée de réviser l'article 37 alors je crains fort que l'exclusion ne soit arbitraire. Certaines personnes dans l'ombre ont également soutenu la révision de l'article 37 aussi bien à Ouagadougou que dans les autres localités du pays. Alors comment faire pour les répertorier et sur la base de quoi ?


Il ne faut pas aussi occulter que le guide de ces pelletons des pro-révisions de l'article 37 qui ont su se dédire à temps militent aujourd'hui dans d'autres partis comme le MPP. Faut-il aussi les exclure de cette compétition électorale ?


Aujourd'hui, aux antipodes de cette position partielle, des voix se lèvent et demandent d'exclure définitivement tous ceux qui de près ou de loin ont contribué à l'émergence du régime COMPAORE. Finalement quels sont ceux qui feront acte de candidature à ces élections qui se veulent inclusives et participatives lorsque l'on sait que plusieurs cadres de partis politiques d'opposition ont contribué au lustre d'antan à rendre solide le régime déchu ?


Il faut aussi tenir compte des effets par ricochet de l'application d'une telle mesure d'exclusion. Car exclure un candidat à la course aux élections viendrait aussi à priver les électeurs dans ce contexte difficile, du choix idoine issu de leur droit de vote.

Certes l'inclusion ne veut pas dire impunité mais admettons que cette exclusion soit une réalité est ce qu'aujourd'hui nous avons des moyens pour faire face au passif de fracture sociale que cela engendrerait ?


En juriste légaliste je dirai que la loi selon sa vocation première est faite pour régir le rapport des hommes vivant en société ; mais si une telle application se révèle de nature à détériorer le rapport entre ces derniers je pense en toute humilité qu'il faut savoir garder raison et s'abstenir de l'appliquer au cas précis ; je dis bien au cas précis. Se pose inexorablement la problématique de la difficile conciliation entre le droit et la paix.


De mon point de vue et laissant pour une première fois cette rigueur juridique je demanderai avec déférence aux autorités de la transition de laisser tous les partis et formations politiques légalement constitués de prendre part aux élections à venir.


Contrairement à ce que certains présagent, c'est le peuple burkinabé qui pour la première fois depuis l'avènement de sa démocratie en 1990, qui en décidera en dernier ressort à toute fin utile.


Alors si le même peuple accorde encore une fois de plus son crédit aux anciens dignitaires du régime COMPAORE alors c'est pour dire qu'il y trouve toujours son compte en ces derniers dans le cas contraire ça sera un vote sanction.


L'Administration électorale en plus d'autres garanties institutionnelles et juridictionnelles ne doivent pas accentuer en cette période difficile que traverse le pays la fracture sociopolitique qui sous- tend la mise en marge d'une partie des citoyens burkinabés du processus électoral. A ce titre, le premier Ministre Yacouba Issac ZIDA lors de son discours de signature de la charte de la transition disait « … Concernant l'œuvre de reconstruction nous exhortons toute la communauté nationale à comprendre que toutes les filles et tous les fils de notre pays doivent y prendre part. C'est pourquoi nous pensons que cette transition qui se met en place se doit d'être inclusive ».

Cette prétendue exclusion risque d'être le prolongement, voire une amplification de l'exclusion aussi bien sur le plan politique, économique et sociale.


Tous les partis politiques doivent dans le cadre du pluralisme politique et idéologique profiter des tribunes d'octobre et de janvier pour manifester leur patriotisme et leur attachement à la construction d'une nation burkinabé libre, forte, solidaire et prospère.


Auguste Sondé COULIBALY

Juriste,

Cyber juriste (spécialiste du droit du cyberespace Africain)

augustecoulibaly@yahoo.fr





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