Nationalisation de la SOCOGIB : L'ex employé de la société persiste et signe

Publié le lundi 29 décembre 2014


Suite à la déclaration du ministre de l'habitat Réné BAGORO, au point de presse du gouvernement du 24 décembre 2014, j'ai décidé de réagir une fois de plus, afin d'apporter mon opinion (non politicienne) concernant la société SOCOGIB que je connais assez bien pour y avoir travaillé.




Tout d'abord, j'aimerais remercier l'honnêteté intellectuelle du ministre de l'habitat Réné BAGORO qui lui-même reconnait que cette société n'a pas été cédée à un franc symbolique, contrairement à ce qu'avait annoncé publiquement son premier ministre Isaac ZIDA. Aussi, quand le ministre BAGORO dit vouloir « mener un combat juridique » parce qu'il estime que la société en question a été sous-évaluée lors de sa vente, je le félicite pour cette démarche. En effet, si l'Etat estime qu'il a été lésé, quoi de plus normal qu'il saisisse la justice et que celle-ci se prononce. Sauf que dans le cas de la SOCOGIB, c'est le comité de privatisation, dont l'actuel ministre du commerce Hyppolite DAH du gouvernement ZIDA faisait partie, qui a siégé et évalué le capital, sur étude de la Banque Mondiale. Le ministre de l'habitat va-t-il donc mener son combat juridique contre son actuel ministre du commerce ainsi que la Banque Mondiale ?


Aussi, je voudrais m'inquiéter de la démarche ministérielle quand celui-ci avoue dans le même communiqué, avoir scellé la SOCOGIB, contrairement aux règles et aux lois en vigueur. C'est en effet à la justice de sceller la société et non pas l'exécutif. Comment vouloir « mener un combat juridique », si le ministre ne respecte pas du tout la procédure judiciaire ? Est-ce un indice d'un retour en arrière dans mon pays ? Avez-vous conscience, Mr le ministre de l'habitat, que si la justice ne vous donne pas gain de cause, le contribuable Burkinabé devra payer des dommages et intérêts à la SOCOGIB pour chaque jour passé sous scellé ? Avez-vous pensé à ces nombreux salariés qui n'ont rien demandés à personne ? Il est vrai que chaque peuple mérite ses dirigeants (même si dans le cas présent, le gouvernement KAFANDO n'a jamais été démocratiquement élu), mais ne faut-il pas ménager ce peuple ? Surtout en cette période de soudure et de chômage accru par les évènements des 30 et 31 octobre 2014.


Enfin, le ministre ne rassure absolument pas les investisseurs quand il dit que « leurs investissements ne seront pas systématiquement mis en cause ». C'est bien cela la définition de la « chasse aux sorcières ». Lorsque qu'une procédure d'investissement est illégale dans un Etat de droit, elle doit justement être mise en cause et cela de façon systématique pour toutes les 59 sociétés privatisées par l'Etat depuis l'indépendance. J'espère que vous irez, Monsieur le ministre, chercher les sociétés rachetées par les opposants de la 26eme minute comme qui dirait ?


En ce qui me concerne personnellement, j'ai vécu la privatisation de la SOCOGIB et je peux témoigner de l'amélioration des conditions de travail, de la gouvernance et de la gestion budgétaire qui il en a résulté. Je remercie également les repreneurs de la SOCOGIB d'avoir convenu avec l'Etat pour la conservation des employés, malgré le passif lourd d'une dette de 5 milliards CFA.


Dans un précédent droit de réplique, j'avais tenté humblement d'apporter la contradiction citoyenne dans un débat à sens unique, dans le souci de donner de la hauteur aux discussions de l'heure. J'en avais reçu des témoignages de sympathie pour les éclairages apportés, mais aussi des volées de bois vert parce qu'on me reprochait de tenter de défendre l'indéfendable. C'est de bonne guerre, puisque la démocratie autorise la multiplicité et la diversité des points de vue.


En temps opportun et dans des cadres appropriés, des éléments de preuve pourront être produits pour la gouverne de l'opinion mais surtout des nouvelles autorités afin qu‘elles sachent que si plus rien ne sera comme avant, tout doit se faire au moins dans les règles de l'art. L'arbitraire crée l'arbitraire. Et ce qui était intolérable avant ne saurait l'être maintenant.


Un ex employé de la SOCOGIB à la retraite

merlinga@outlook.fr






via leFaso.net, l'actualité au Burkina Faso http://www.lefaso.net/spip.php?article62521