Présidentielle du 28 février 2016 : Le Clergé béninois donne les critères du bon président de la République

Publié le lundi 25 janvier 2016

En prélude à la présidentielle du 28 février prochain, les Évêques du Bénin  ont publié une lettre pastorale dans laquelle ils ont énuméré les critères du bon président de la République à partir du 06 avril 2016. Entre autres critères, ce président doit «avoir la capacité de veiller à la saine application des lois, à respecter le principe de la séparation des pouvoirs; avoir la capacité d’une bonne gestion sociale des biens publics et de la stabilité du contrat social global; avoir la garantie d’une culture politique solide, une expérience avérée dans le domaine politique, et de leadership; avoir une connaissance suffisante des réalités du Pays (géographique, historique et socio-anthropologique). Lire la lettre.

CONFERENCE EPISCOPALE DU BENIN : LETTRE PASTORALE

Sous le regard de Dieu Election présidentielle 2016

Janvier 2016

Frères et sœurs en Christ,

Fils et filles bien-aimés de Dieu,

Hommes et femmes de bonne volonté !

Tout nous invite à la conversion

«Là où le péché a proliféré, la grâce a surabondé, afin que, comme le péché avait régné pour la mort, ainsi, par la justice, la grâce règne pour la vie éternelle par Jésus-Christ, notre Seigneur » (Rm 5, 20.21).

C’est avant tout la force d’amour toujours fidèle de Dieu qui nous presse de revenir à lui. L’expérience quotidienne d’un tel amour nous fait souvent dire: « Dieu m’aime ! », « Dieu aime le Bénin ! », etc. De fait, alors que nous étions en pleine crise politique, économique et sociale, Dieu nous a comblés de sa miséricorde en nous conduisant au succès de l’historique Conférence des Forces vives de la Nation de février 1990. Oui, la grandeur de l’amour de Dieu ébranle le cœur, suscite l’horreur du péché, la crainte d’offenser Dieu et d’être séparé de Lui1.

Depuis plus d’un quart de siècle et avec l’aide de Dieu, nous sommes en régime du Renouveau démocratique. Pourtant, et nous le savons tous, aujourd’hui plus que jamais, nous avons un besoin urgent de conversion des cœurs, de transformation d’état d’esprit, de changement des mentalités.

Le problème de fond pour le Bénin n’est pas d’abord une question de textes constitutionnels ni d’Institutions de l’Etat ni même du type de régime de gouvernance. Notre problème, c’est l’Homme, le citoyen, le politicien, le gouvernant. Cet Homme est à former, à transformer, à convertir, pour qu’il soit à même d’incarner la sacralité de la Loi fondamentale, de la respecter, de la promouvoir, dans sa lettre et dans son esprit, pour le bien-être de chacun et de tous.

Déjà, au carême de l’an de grâce 1989, vos Evêques lançaient le mémorable cri prophétique d’espérance: «Convertissez-vous et le Bénin vivra!». Et voici que le Jubilé extraordinaire de la Miséricorde, commencé avec ferveur en plein Temps de l’Avent et fêté dans la grande joie de Noël vient «stimuler notre conversion», selon l’expression du Pape

François2. En ouvrant les portes du Nouvel An 2016, ce saint Jubilé nous rappelle que chaque temps de vie accordé par le Seigneur est le temps de sa miséricorde. Il nous offre une nouvelle année, et pour qu’elle soit réellement une nouvelle vie, il nous donne, en l’occurrence à travers le Jubilé, la grâce d’un effort accru de conversion, de sanctification, de communion avec lui.

C’est tout cela que nous serons appelés à vivre intensément durant le Temps de carême 2016, un « temps de grâce » (2Co 6,2) qui nous prépare à célébrer le Mystère pascal. Pâques signifie passage et suppose une marche. Le carême nous met en mouvement; il nous engage sur la voie qui nous conduira à faire le passage du vieil homme à l’homme nouveau, à tourner le dos aux « agissements pervers » (Jr 25,5) pour franchir la porte d’une vie nouvelle en Christ ressuscité.

N’est-ce pas aussi du nouveau, du renouveau dans le quotidien de notre vie que nous espérons pour notre Pays le Bénin, surtout à l’issue de la toute prochaine élection présidentielle ? A condition de nous convertir. Mais :

- Pourquoi se convertir ?

- Qui doit se convertir ?

- Comment se convertir ?

Se convertir, pourquoi ?

Parce qu’il nous faut vaincre le mal par le bien (Rm 12,21), et que, malgré nos efforts et parfois nos progrès, le mal l’emporte souvent sur le bien, dans notre vie personnelle, dans nos communautés, dans nos sociétés (Rm 7, 19.24).

A ce propos, le handicap majeur qui plombe l’avancée décisive du Benin et l’empêche, depuis des décennies, de prendre de l’envol sur tous les plans, c’est un certain état d’esprit pervers, générateur de pratiques et d’abord de conceptions sinon de convictions tout aussi pernicieuses. Une tradition du Mal.

* Le Mal culturel de l’égocentrisme, générateur de la mentalité et des pratiques sorcelleresques que justifient certains dictons de nos langues3. Avant tout: moi, et tout pour moi, pour ma famille, ma région, mon parti, mes partisans, mes courtisans. On dit des Béninois qu’ils ne s’aiment pas et sont peu solidaires, même à l’étranger, et que par jalousies ou vengeances, ils recourent facilement, surtout en famille, aux empoisonnements, envoutements, etc. «Convertis-nous, Seigneur, et nous serons convertis» (Livre des Lamentations

5,21).

* Le Mal de l’argent, premier fléau social et politique. Il s’en prend aux Institutions de l’Etat, corrompt les élus de la Nation, fragilise les partis politiques, achète la conscience des électeurs, discrédite des Autorités religieuses, divisent les familles. L’argent aux ventouses ravageuses de la corruption, du détournement des fonds publics. Argent facile et rapide, slogan malsain de nombreux jeunes, héritiers précoces des travers de leurs Aînés. Oui, «l’amour de l’argent est la racine de tous les maux» (1Tm 6,10).

* Le Mal du pouvoir, perçu comme le pouvoir du mal, avec ses violations flagrantes des lois républicaines, l’avidité du culte de la personnalité, la soif des honneurs et du populisme, la gestion autoritaire et solitaire du pouvoir. A tort ou à raison, l’opinion publique continue de penser que la pléthore de partis politiques, les jeux d’alliances éphémères, l’enjeu des transhumances impudiques ont pour dénominateur commun, non le bien commun, mais le désir obsessionnel du pouvoir pour «manger le Pays». Jésus a averti que le mal du pouvoir relève du diable: «Retire-toi, Satan!», dit-il au cynique Tentateur qui s’acharnait à le séduire de l’idolâtrie du pouvoir (Mt 4,8-10; cf. Jn 6,15; 18,33-38; Mc 10,42).

* Le Mal du mensonge public et privé. «Tous pratiquent le mensonge», se plaignait déjà le prophète Jérémie: (Jr 6,13) : Déclarations, promesses et accords politiques sont enfarinés de ruses et de roublardises, au point qu’on a fini par lâcher qu’«en politique, le mensonge est nécessaire». Mais à la suite de Jésus, l’apôtre Jacques exhorte: «Que votre oui soit oui et votre non, non, afin que vous ne tombiez pas sous le jugement» (Jc 5,12; cf Mt 5,37).

* Le Mal des retards administratifs et des défaillances dans l’organisation des élections. Lois votées ou vulgarisées en retard, structures ou institutions ad ’hoc installées en retard, ressources débloquées en retard, etc., etc. Même l’avènement du renouveau démocratique n’a pas été épargné par les accrocs récurrents à chaque échéance électorale. Il est vrai que nos élections ont toujours connu des dénouements assumés par le peuple. Mais serait-il pessimiste de dire qu’à force de prendre des risques, on finira par se laisser prendre au piège du pire ? «Que tous ceux qui ont mis leur foi en Dieu s’appliquent à exceller dans les belles œuvres. Voilà qui est bon et utile aux hommes.» (Tite 3, 8).

Voilà les boulets du Mal dévastateur que nous traînons depuis toujours, transmis de génération en génération. Nous sommes tous appelés à une démarche de conversion intégrale, à une rupture avec un tel patrimoine maléfique. Mais le pouvons-nous ? Le Pape François nous rassure : «Seule la miséricorde de Dieu peut libérer l’humanité de tant de formes de mal, parfois monstrueuses, que l’égoïsme engendre »

Qui doit se convertir ?

«Examinons, scrutons nos chemins et revenons au Seigneur…Nous, nous avons péché, nous sommes rebelles.» (Livre des Lamentations, 3,40.42)

Nous décider tous à changer

Pour rompre, personnellement et collectivement, avec la tradition et la transmission du Mal endémique dans notre Pays, nous nous devons, sous le regard de Dieu, de nous examiner d’abord, de scruter les replis de notre conscience individuelle. Car rien ne changera en profondeur ni durablement chez nous, tant que tous et chacun, nous ne nous déciderons à changer quelque chose en nous.

Il revient à chacun, chacune, de faire la lumière sur l’irrésistible mal qui l’habite (Rm 7,18), et qui imprègne son état d’esprit de citoyen ou citoyenne, membre ou non de parti politique, d’organisation de la société civile, etc.

Nous aussi vos Evêques

A ce propos, nous aussi vos Evêques, nous nous interrogeons sur nos prises de paroles publiques sur les questions socio-politiques, nos relations avec les dirigeants de l’Etat, les partis et leaders politiques. Les réactions de nos fidèles laïcs tout comme celle de l’opinion publique constituent, chaque fois pour nous et tout le clergé, autant d’appels à plus de prudence, de réserve, d’impartialité, surtout en période électorale. Lors de notre visite ad limina Apostolorum, le Pape François, le 27 avril 2015, nous conseillait «de ne pas entrer directement dans le jeu politique ni les querelles de parti. La conduite des affaires publiques revient aux laïcs, qu’en revanche, vous avez l’important devoir de former et d’encourager sans cesse.»

Toutes les composantes de la société

Tous, nous sommes appelés à tourner résolument nos regards vers le regard de Dieu, attentifs à l’interpellation du prophète: «Lavezvous, purifiez-vous. Otez de ma vue vos actions mauvaises, cessez de faire le mal. Apprenez à faire le bien, recherchez la justice…»(Is 1, 15-17) Membres des Institutions d’Etat, Organes en charge de l’élection présidentielle, société civile, partis politiques, confessions religieuses, populations, candidats à la magistrature suprême, électeurs, partenaires financiers, observateurs, etc., tous nous avons à marquer nos responsabilités respectives, nos activités, nos paroles, nos attitudes, nos choix, de la crainte de Dieu, du respect de la loi, de l’esprit fraternel, de la droiture du cœur, du souci du bien commun, de la quête de l’unité nationale et de la paix dans notre Pays. Il y a urgence et extrême nécessité d’une profonde transformation des mentalités. La paix sociale dont nous jouissons au Bénin sera menacée tant que prédomineront les sentiments d’hostilités et de rivalités ruineuses, de mépris et de défiance obstinés, de corruptions et d’injustices impunies, tant que haines ethniques et régionalistes, discriminations et partis pris irrationnels continueront de nous diviser, de nous opposer, de générer une masse de mécontents, frustrés et révoltés.5

Sursaut moral des responsables de l’élection

Au regard du nombre et du profil des candidats à l’élection présidentielle, avec les jeux de ralliements qui se déploient, le sentiment dominant de déception, d’angoisse, voire de suspicion et de tension, dans la population, nécessite, de manière particulière, un sursaut moral des responsables des Organes en charge directe du scrutin. Nous supplions Dieu, le Tout-puissant, de les éclairer, de les guider, pour qu’ils prennent toute la mesure de la gravité de leurs responsabilités, et qu’ils les assument en toute liberté, dans un esprit patriotique d’éthique et d’équité, sans jamais enfreindre le Code électoral.

Oui, il faut une conversion des cœurs et des consciences de la part de tous, en particulier de ceux qui, délibérément et sans scrupule, se préparent à bourrer les urnes, à manipuler le mécanisme du décompte des votes, à falsifier les résultats du scrutin. Du haut du ciel, le Seigneur les regarde. Tôt ou tard; il leur demandera des comptes. Ils ont encore le temps d’écouter la voix de leur conscience et l’avertissement du Sage :

«Comme devant un serpent, fuis devant le péché, car, si tu t’en approches, il te mordra […] Toute transgression est comme l’épée à deux tranchants, la blessure qu’elle fait est sans remède » (Siracide 21, 1-3).

Comment se convertir ?

Accueillir la grâce de la conversion

C’est en suppliant le Seigneur, Maître de l’univers, de daigner jeter son paternel regard de bienveillance sur notre Nation que, sous l’impulsion de l’Esprit Saint, nous vos Evêques, venons nous engager avec vous à vivre la prochaine élection présidentielle en étroite cohérence avec notre foi en Dieu, sous la tutelle de notre conscience chrétienne de citoyens croyants. Oui, nous devons aller aux urnes le dimanche 28 février 2016, pour élire notre nouveau Président de la République, sous le regard de Dieu, dans la fidélité à son commandement d’amour du prochain et donc de notre Pays, animés d’un esprit de vérité, en toute transparence.

Par conséquent, nous supplions le Seigneur de nous renouveler au plus profond de nous-mêmes, de changer véritablement notre cœur; car, dit Jésus, c’est du cœur que proviennent les intentions mauvaises et les inconduites (Mt 15, 19). Or, «dans un cœur malfaisant, la sagesse n’entre pas, elle n’entre pas dans un corps grevé par le péché. Car le Saint Esprit qui éduque fuit la duplicité, il s’écarte des pensées folles, il est un échec quand survient l’injustice.» (Sg 1,4-5).

Pour le bien de notre Pays, le bien-être des générations futures, accueillons, chacun pour sa part, la grâce de la conversion; passons, comme le recommande saint Paul, du vieil homme à l’homme nouveau, «celui qui, pour accéder à la connaissance, ne cesse d’être renouvelé à l’image de son créateur» (Col 3,5-11). Faisons mourir ce qui, en nous, non seulement n’accomplit pas le bien, mais s’en prend sans cesse, par égoïsme et jalousie, à tout ce qui se fait de bien par les autres et pour les autres. On ne sait pas tout le mal qu’on fait lorsqu’on fait le mal.

Dans l’esprit du Jubilé de la Miséricorde

Nous devons vivre le prochain rendez-vous électoral, dans la foi et l’espérance, sans nous laisser gagner par l’anxiété et la peur, face à d’éventuelles informations alarmantes ou des agissements effrayants. Saint Jean nous dit que «tout être qui est né de Dieu est vainqueur du monde. La victoire remportée sur le monde, c’est notre foi.» (1Jn 4,4).

En ce sens, le Jubilé extraordinaire s’offre à nous comme un temps de grâce particulier, une grâce de conversion qui nous dispose à faire, en cette délicate période électorale, l’expérience de la Miséricorde divine «comme idéal de vie, comme critère de crédibilité de notre foi.».  «Quand le peuple de Dieu se convertit à son amour, a écrit le Pape François, il trouve les réponses à ces questions que l’histoire lui pose continuellement.»  Se convertir signifie alors entrer dans l’esprit du Jubilé, en recueillir les repères de transformation de soi, d’engagement nouveau, de témoignage crédible, qui donnent aux disciples du Christ et à tout croyant de bonne volonté, d’être dans notre Pays le signe vivant de l’amour du Père8. Voici à ce propos quelques interpellations du Saint-Père :

L’argent

La course effrénée à l’argent et la volonté de l’acquérir par des voies faciles et malhonnêtes constituent la cause majeure du relâchement actuel de la conscience morale, spirituelle, civique et professionnelle9. On comprend alors l’appel vibrant du Pape :

«Mon appel à la conversion s’adresse avec plus d’insistance à ceux qui se trouvent éloignés de la grâce de Dieu en raison de leur conduite de vie [] Pour votre bien, je vous demande de changer de vie. Je vous le demande au nom du Fils de Dieu qui, combattant le péché, n’a jamais rejeté aucun pécheur. Ne tombez pas dans le terrible piège qui consiste à croire que la vie ne dépend que de l’argent, et qu’à côté, le reste n’aurait ni valeur, ni dignité. Ce n’est qu’une illusion. Nous n’emportons pas notre argent dans l’au-delà. L’argent ne donne pas le vrai bonheur.»

La corruption

Ce mal social ne peut être éradiqué que si nous laissons la grâce de Dieu transformer notre cœur de pierre en cœur de chair (Ez 36,26). Lisons ce que le Pape en dit :

«Le même appel s’adresse aux personnes fautives ou complices de corruption. Cette plaie puante de la société est un péché grave qui crie vers le ciel, car il mine jusqu’au fondement de la vie personnelle et sociale. La corruption empêche de regarder l’avenir avec espérance, parce que son arrogance et son avidité anéantissent les projets des faibles et chassent les plus pauvres. C’est un mal qui prend racine dans les gestes quotidiens pour s’étendre jusqu’aux scandales publics. La corruption est un acharnement dans le péché qui entend substituer à Dieu l’illusion de l’argent comme forme de pouvoir. C’est une œuvre des ténèbres, qui s’appuie sur la suspicion et l’intrigue [] Pour la vaincre dans la vie individuelle et sociale, il faut de la prudence, de la vigilance, de la loyauté, de la transparence, le tout en lien avec le courage de la dénonciation. Si elle n’est pas combattue ouvertement, tôt ou tard on s’en rend complice et elle détruit l’existence.»

L’exemplarité et la fidélité.

Oui, il existe, chez nous, des compatriotes vraiment patriotes, sincèrement amoureux du Pays, au sens professionnel avéré, d’une abnégation à toute épreuve. Ce sont des exemples, fidèles à leur idéal de vie, et que recommande le Saint-Père : «Exemplarité pour éviter les scandales qui blessent les âmes et menacent la crédibilité de notre témoignage. Fidélité à notre consécration, à notre vocation, rappelant toujours les paroles du Christ : «Qui est fidèle en très peu de chose est fidèle aussi en beaucoup, et qui est malhonnête en très peu est malhonnête aussi en beaucoup» (Lc 16, 10; Mt 18, 6-7)12.

L’honnêteté

Comment acquérir et faire preuve d’une telle vertu, surtout en période électorale, si ce n’est en imitant le Christ Jésus «qui n’a pas été OUI et NON. Il n’a jamais été que OUI» (2Co 1,19) ? Mais d’abord, qu’est-ce que l’honnêteté selon le Pape ?

 «L’honnêteté est la rectitude, la cohérence et le fait d’agir avec sincérité absolue avec soi-même et avec Dieu. Celui qui est honnête n’agit pas avec droiture seulement sous le regard du surveillant ou du supérieur; celui qui est honnête ne craint pas d’être surpris, parce qu’il ne trompe jamais celui qui lui fait confiance. Celui qui est honnête ne se comporte jamais en maître sur les personnes ou sur les choses qui lui ont été confiées à administrer, comme le «mauvais serviteur» (Mt 24, 48).

Le pardon

La politique est un domaine fortement sensible et passionnel, qui conduit bien souvent à des prises de positions tranchées, des critiques radicales, des paroles partisanes; toutes choses qui suscitent des rancœurs et des violences; d’où la nécessaire conversion au pardon. Voici ce qu’en dit le Pape :

«Le pardon des offenses devient l’expression la plus manifeste de l’amour miséricordieux, et pour nous chrétiens, c’est un impératif auquel nous ne pouvons pas nous soustraire. Bien souvent, il nous semble difficile de pardonner ! Cependant, le pardon est le moyen déposé dans nos mains fragiles pour atteindre la paix du cœur. Se défaire de la rancœur, de la colère, de la violence et de la vengeance, est la condition nécessaire pour vivre heureux. Accueillons donc la demande de l’apôtre : « Que le soleil ne se couche pas sur votre colère » (Ep 4, 26). Ecoutons surtout la parole de Jésus qui a établi la miséricorde: « Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde » (Mt 5, 7). C’est la béatitude qui doit susciter notre engagement tout particulier en cette Année Sainte.»

Choisir et voter dans la crainte de Dieu

Pour tout croyant, aucun acte de vie n’est jamais banal, surtout lorsqu’il s’agit de choisir ce qui engage à donner à sa propre vie, à la vie de tout un peuple, sens et valeur d’amour, de bonheur et de paix. «Quoi que vous fassiez, recommande saint Paul, faites tout pour

la gloire de Dieu» (1Co 10,31), c’est-à-dire en discernant «quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bien, ce qui lui est agréable, ce qui est parfait» (Rm 12,2b).

C’est donc sous le regard de Dieu, au nom de notre foi en lui, de son amour miséricordieux et toujours bienveillant pour nous, que nous allons lui confier, à travers notre devoir civique d’électeur, le destin de notre cher Pays, pour les cinq prochaines années. Mais c’est d’abord les citoyens que nous sommes que chacun de nous devra recommander à Dieu, pour qu’il convertisse nos consciences, purifie nos esprits, éclaire nos intelligences, les assiste et les guide dans le choix décisif que nous ferons en faveur de notre Nation.

Prier, agir et réagir en disciple du Christ.

Fils et filles bien-aimés de Dieu, en cette période sensible de la vie politique de notre Pays, nous, vos Evêques, vous appelons à nous mobiliser tous dans la prière pour la paix chez nous, individuellement, en famille, dans les paroisses, les Mouvements et Confréries, les Chorales, avec les Catéchumènes, dans nos Ecoles et Collèges catholiques, les rencontres entre chrétiens. La Prière pour le Bénin servira de support en toutes circonstances.

Nous recommandons que dans toutes nos Eglises, des Messes soient célébrées pour l’unité et la Paix dans notre Pays, et que le chemin de croix du vendredi, le chapelet ou le rosaire du samedi, l’adoration du Saint-Sacrement, le jeûne et les actes de pénitence personnels et collectifs implorent également la paix pour notre Pays.

La période de campagne électorale est malheureusement marquée bien souvent de joutes verbales, d’actes de violences, etc., entre les partisans des candidats. Le disciple du Christ au contraire devra agir et réagir en artisan de paix (Mt 5,9) et faire l’effort, en cette Année sainte de la Miséricorde, d’être miséricordieux comme le Père est miséricordieux.

En ce sens, les prêtres et autres agents pastoraux veilleront à ce que les homélies, prédications et autres enseignements exhortent à la tolérance et à la paix, évitent absolument de prendre parti pour tel ou tel candidat.

«Aucune parole mauvaise ne doit sortir de votre bouche; mais s’il y en a besoin, dites une parole bonne et constructive, bienveillante pour ceux qui vous écoutent.» (Ephésiens 4, 29).

Faire voter ou demander à voter pour de l’argent est un péché grave.

Le Pape vient de nous exhorter à ne jamais tomber dans le piège de l’argent. Il a qualifié la corruption de «plaie puante de la société et de péché grave». L’argent qui sert à corrompre les consciences pour extorquer le libre choix des électeurs, à acheter des voix, à tricher pour avoir le pouvoir, à supplanter et éliminer ceux qui sont plus à même de gouverner le pays, c’est de l’argent mauvais, «la racine de tous les maux» (1Tm 6,10). Rechercher ardemment et prendre de l’argent pour voter, c’est vendre le Pays à vil et vilain prix, c’est mettre en danger l’avenir du Pays, c’est perdre sa propre dignité. Il s’agit manifestement d’une conduite injuste. Or, nous dit saint Jean: «Toute conduite injuste est un péché» (1Jn 5,17).

Pour qui voter ?

Pour le candidat ou la candidate dont on apprécie les qualités, capacités et compétences personnelles. Il ou elle devrait présenter généralement les critères suivants :

  • Avoir la crainte de Dieu et le respect du sacré;
  • Avoir le sens de l’écoute et l’aptitude à travailler en équipe; l’ouverture d’esprit, la disponibilité, le courage;
  • Avoir le sens de responsabilité;
  • Avoir la capacité de veiller à la saine application des lois, à respecter le principe de la séparation des pouvoirs;
  • Avoir la capacité d’une bonne gestion sociale des biens publics et de la stabilité du contrat social global;
  • Avoir la garantie d’une culture politique solide, une expérience avérée dans le domaine politique, et de leadership;
  • Avoir une connaissance suffisante des réalités du Pays (géographique, historique et socio-anthropologique);
  • Avoir une compétence professionnelle avérée;
  • Avoir le sens du patriotisme et de l’unité nationale (grande capacité à être au service des autres dans leur diversité) ;
  • Avoir un niveau intellectuel appréciable;
  • Avoir une capacité physique rassurante et un équilibre mental;
  • Être une personne de conviction, honnête, de bonne moralité; digne de confiance;
  • Être rassembleur, charismatique, clairvoyant, efficace et visionnaire pour le Pays ;
  • Être épris de justice et de paix.

Dieu seul est Dieu !

«Pourquoi ce tumulte des nations, ce vain murmure des peuples ? Celui qui règne dans les cieux s’en amuse, le Seigneur les tourne en dérision. Servez le Seigneur avec crainte, rendez-lui votre hommage en tremblant. Du Seigneur vient le salut; vienne ta bénédiction sur ton peuple!» (Ps 2, 1.4.11; Ps 3, 9)

Frères et sœurs en Christ,

Fils et filles bien-aimés de Dieu,

Hommes et femmes de bonne volonté!

Rappelez-vous: A plusieurs reprises, notre cher Pays a été confronté à des situations à haut risque, au bord de l’impasse. Et l’Eternel Dieu tout-puissant nous en a toujours sortis, en nous accordant à chaque fois la grâce d’un sursaut patriotique qui nous mobilise dans la prière, pour gérer nos crises par consensus, dans l’unique intérêt de la Nation.

Voilà pourquoi nous marchons résolument et en toute assurance vers la prochaine élection, revêtus, comme l’écrit saint Paul, de l’armure de Dieu pour déjouer toutes manœuvres du diable. Nous prenons pour glaive la Parole de Dieu qui protège des promesses démagogiques, pour bouclier la foi qui maintient dans l’espérance, pour cuirasse la charité qui rend miséricordieux, et pour ceinturon la vérité qui aide à bien discerner pour faire le bon choix (Ephésiens 6, 10-18).

C’est dire que nous n’avons aucune raison d’avoir peur des machinations des hommes. Dieu seul est Dieu. Par son Fils qu’il a envoyé verser son sang pour nous sauver, avec l’intercession de sa Mère Marie, la Vierge puissante, il nous maintiendra dans la vigilance et la fidélité à son Amour.

Dieu exaucera nos supplications et sauvera notre cher Pays le Bénin.


via La Presse du Jour http://ift.tt/1PwM1OM
Categories: ,