Formation du nouveau gouvernement : Yayi, c’est vraiment fini (La France entre en action)

Publié le vendredi 19 juin 2015

Il est bien possible que la dernière visite à l’Elysée du Chef de l’Etat béninois n’avait rien d’anodin. Avec le remaniement ministériel et la nomination de Lionel Zinsou comme Premier ministre, on a l’impression que Boni Yayi est allé recevoir des directives de la part de son collègue, François Hollande au sujet de sa succession.

Le curriculum vitae du nouveau Premier ministre béninois pouLionel Zinsourrait révéler ce qui se trame au sommet de l’Etat en ce qui concerne la succession de l’actuel locataire de la Marina. Lors de sa récente visite en France, Radio France internationale a demandé à Yayi le rôle qu’il va jouer lors de la présidentielle de 2016. Et sa réponse a été que «C’est le peuple qui choisit ! A la grâce de Dieu ! ». A l’occasion, toujours sur une question de la journaliste de Rfi, il a laissé entendre qu’il ne sera pas candidat à sa propre succession. «Mon nom ne figurera dans aucun bulletin ! Même dans l’avenir ! Les candidats éventuels n’ont qu’à aller préparer leur projet de société pour pouvoir convaincre le peuple béninois ». Enfin, il lui a été demandé s’il a un dauphin, quelqu’un qu’il estime en mesure de porter son héritage. Et là, Boni Yayi a dit que «C’est Dieu qui choisit ». Evidemment oui. Seulement, avec le choix de son Premier ministre pour les neuf mois qui lui restent à la tête du pays, on a bien l’impression que Yayi veut bien aider «Dieu» à porter et bénir ce dauphin qui ne dit pas son nom. Car, après un séjour en France, à un président Socialiste, nommer un Premier ministre du sérail des Socialistes français amène à se poser des questions. Rien qu’à voir le curriculum vitae de M. Lionel Zinsou, on sait qu’il est très proche des Socialistes français, notamment de Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères de François Hollande. Le communiqué final de la rencontre Hollande-Yayi du mardi 9 juin dernier à l’Elysée montre clairement que la France veut que la Constitution du Bénin soit strictement respectée en ce qui concerne son article 42 qui dispose que : «Le président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans, renouvelable une seule fois. En aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels. » Dans le même temps, il fallait préserver les intérêts de la France au Bénin. Ce que fait parfaitement déjà bien Boni Yayi avec le Groupe Bolloré. Mais dans neuf mois, il ne sera plus là. Alors, autant avoir un président qui pérennise cette bonne relation France-Bénin, surtout au niveau des affaires. Lionel Zinsou, dans ce cas, est le meilleur pion.  Si le plan marche, on ne dira pas que la démocratie n’est pas en marche au Bénin. Mais elle serait contrôlée.

  Le CV de Lionel Zinsou

Lionel Zinsou est né d’un père originaire du Bénin (alors Dahomey), médecin de Léopold Sédar Senghor, et d’une mère française. Il est également neveu de l’ancien président du Bénin, Émile Derlin Zinsou. Il fait ses études secondaires au lycée Buffon, en Cpge au lycée Louis-le-Grand, puis à l’École normale supérieure. Il passe l’agrégation de sciences économiques et sociales. Laurent Fabius Premier ministre l’appelle à ses côtés comme rédacteur de ses discours.

Après avoir travaillé chez Bsn, Lionel Zinsou a été associé-gérant de Rothschild & Cie avant de rejoindre en 2008 le fonds d’investissement Pai Partners. Lionel Zinsou est également animateur du club Fraternité, cercle de réflexion de Laurent Fabius, et administrateur du comité opérationnel du journal Libération désigné par Édouard de Rothschild après le départ de Serge July. Il est également membre du comité directeur de l’Institut Montaigne et conseiller au cabinet du président de la République du Bénin, le Dr Yayi Boni.

Il a rédigé en 2013 avec Hubert Védrine un rapport sur les enjeux économiques en Afrique. Lionel Zinsou se veut « afroptimiste » — par opposition à l’afro-pessimisme — et s’implique dans la promotion du renouveau de l’économie africaine post-2000. Il a pris part en 2005 à la création d’une fondation (Cotonou, Bénin), présidée par sa fille Marie-Cécile Zinsou, destinée à favoriser les activités artistiques. Le 6 février 2015, la France a lancé l’initiative AfricaFrance sous la forme d’une fondation dirigée par Lionel Zinsou et soutenue par le Quai d’Orsay et le Medef International pour relancer les relations économiques entre la France et l’Afrique.

  Yayi corrige la constitution à sa manière

 L’avis consultatif des membres du bureau de l’Assemblée nationale sur la liste de la nouvelle équipe gouvernementale a duré en longueur en raison des postes créés par le Chef de l’Etat. C’est vrai que le Bénin a un régime présidentiel consacré par la Constitution du 11 décembre 1990. Mais cela n’avait pas empêché le Chef d’Etat d’alors, Mathieu Kérékou de créer le poste de Premier ministre qu’a occupé Me Adrien Houngbédji, actuel président de l’Assemblée nationale. A son tour, Boni Yayi, après le KO de 2011, a nommé Pascal Irénée Koupaki Premier ministre. En plus de ce poste non prévu par la loi fondamentale du Bénin, Yayi, à l’occasion de ce remaniement ministériel, a créé un poste de vice-premier ministre. Ce que les membres du bureau de l’Assemblée nationale n’ont pas compris. Leur avis d’hier s’est transformé en une séance de travail autour des nouveaux postes ministériels. Cela a mis du temps qu’à l’accoutumée. En fin de compte, le président Houngbédji et ses collègues du bureau ont retourné à Yayi sa copie. Mais puisque l’avis du bureau du parlement n’était que consultatif, le Chef de l’Etat a procédé au remaniement de son gouvernement selon la monture envoyée au parlement.

 Yayi, c’est vraiment fini

Au vue de la composition du nouveau gouvernement, on se rend désormais compte que Yayi est vraiment fini. Même s’il lui reste quelques mois pour son second et dernier mandat. Les cadres se sont imposés à lui. Dans ce nouveau gouvernement, on trouve un Premier ministre, un vice-Premier ministre, plusieurs ministres d’Etat, dont le ministre d’Etat chargé des OMD…Des postes qui ne veulent rien dire. Des postes que Yayi n’auraient jamais accepté avoir dans son gouvernement il y a trois, quatre ans, neuf ans, en 2006, début de son premier mandat. Finalement, il s’est vu contraint de faire cette gymnastique. Conscient que le mandat est fini, Yayi est obligé d’accepter la volonté des uns et autres. Vice-Premier ministre, plusieurs ministres d’Etat…tout cela c’est de la fantaisie. Alors, c’est bien la preuve que le pouvoir a totalement échappé au Chef de l’Etat.

Réalisé par Athanase Dèwanou  et Grégoire Amangbégnon


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