Situation nationale : Tout est toujours comme avant
Après l'insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, beaucoup se sont précipités pour annoncer que « plus rien ne sera comme avant ». Ce leitmotiv, dans un processus de transition qui tâtonne tant bien que mal en l'absence d'un véritable programme, semble le mot d'ordre de tous ceux ou celles qui au soir du 31 octobre 2014, ont rêvé d'un Faso où le changement se lirait sur les panneaux d'affichage. Hélas, mille fois hélas.
Le Burkinabè, celui-là même qui a crié sur les toits qu'il aspirait au changement n'est pas lui-même prêt pour un quelconque changement. Ouagadougou, capitale du Faso, est le lieu par excellence de la mal cause et de l'incivisme. Sortir le matin et rentrer sain et sauf chez soi est devenu un parcours de combattant. Comme le disait un adage « on se feinte en circulation ».
Les propriétaires d'engin à deux roues ayant moins de 125 centimètres cubes et n'ayant pas le gabarit requis n'hésitent pas à emprunter les voies réservées aux automobilistes. Les pistes cyclables se retrouvent, du coup, vides. Osez dire un mot et on vous sortira l'injure publique connue de la ville « Ma gni… ».
A certains endroit de la ville, ce sont les positionnements des taxis et autres véhicules qui frisent le ridicule. Comment comprendre que des gens qui ont le permis de conduire en poche occupent une partie de la chaussée (le plus souvent la piste cyclable) après un panneau de stop empêchant du coup celui qui veut tourner d'avoir une bonne visibilité. Il faut par exemple se rendre au quartier Patte d'Oie juste devant le CCVA pour se rendre compte du désordre que génère le stationnement des taxis et des mini cars.
Il se pose à nous la question du changement. Comment changer l'homme s'il ne se libère pas de la maladie historique qui consiste à discerner le passé comme une figure de la nécessité : par l'oubli ? Par le point de vue de l'inactualité ? En choisissant on se choisit.
La jeunesse, innocente et sans expérience du passé a encore des illusions sur l'avenir. Est-ce cette peur de l'inconnue qui pousse les Burkinabè à adopter la posture de l'habitude ?
Or pour que « plus rien ne soit comme avant », il nous faut nous même changer. « Conviendrait-il d'attendre le changement surgir de nulle part ou se mettre sans délai à le réaliser ? Le changement serait-il un choix à la carte, gratuit ou un passage obligé et un sacrifice colossal de toute société ou Etat-Nation au prix de luttes, de challenges et de patience à toute épreuve qui, dans leur intention de rupture avec la régression, aspirent à des lendemains plus prometteurs, plus prospères et meilleurs ? » s'est demandé Guerroua Kamal dans Tribune Libre.
Avec l'habitude, seconde nature par excellence de l'homme, il est très évident que le Burkinabè dans sa majorité attend que le changement surgisse de nulle part comme un cadeau venu du ciel. C'est en cela que sa misère et sa pauvreté prendront fin. André Malraux, in La Condition Humaine disait que « une civilisation se transforme, lorsque son élément le plus douloureux - l'humiliation chez l'esclave, le travail chez l'ouvrier moderne - devient tout à coup une valeur, lorsqu'il ne s'agit plus d'échapper à cette humiliation, mais d'en attendre son salut, d'échapper à ce travail, mais d'y trouver sa raison d'être ». Le Burkinabè s'est révolté contre un système mais est-ce pour autant qu'il s'est transformé ? La réponse est non. Le salut tant attendu, la raison d'être, la volonté d'échapper à l'humiliation semblent être à des milliers de kilomètres. S'il est vrai qu'on ne possède d'un être que ce qu'on change en lui, le système tant écrié possède encore les uns et les autres car le népotisme, la jalousie, l'incivisme, l'intolérance sont encore dans nos cœurs et dans nos vies. Ces valeurs négatives ne collent en rien avec notre nationalité « homme intègre ».
On ne peut vouloir le changement d'un système si nous ne nous débarrassons de nos vieilles habitudes. L'image prise pour ce qui est de la circulation est aussi vraie pour tous les secteurs de ce pays. Le Burkina Faso d'aujourd'hui ressemble beaucoup à un groupe musical. Le hic c'est que le batteur veut être guitariste et batteur, le choriste veut jouer aux instruments et pire, dans la chorale, les bassistes veulent chanter comme les sopranos et les barytons comme les contraltos. Le maître de cœur dans le but de contenter tout le monde laisse chacun se placer où il veut en espérant un miracle.
Espérons que le changement pour le Burkina Faso sera au prix de luttes, de challenges et de patience à toute épreuve qui, dans leur intention de rupture avec la régression, aspirent à des lendemains plus prometteurs, plus prospères et meilleurs.
Nous le pouvons si chacun de nous joue sa partition. Si chaque Burkinabè quelle que soit sa position, voit l'avenir de son pays et non lui-même. Si nous voulons que « tout change » il nous faudra nous-même changer.
Dimathème
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