Situation nationale : Ne faut-il pas sauver le soldat Compaoré ?

Publié le lundi 23 février 2015


Au soir du 31 octobre, le « roi » a fui son château sous le courroux de son peuple pour aller trouver réconfort dans la « belle famille » (Yamoussokro, CI), puis s'est retrouvé au Maroc avant de revenir à nouveau à son point de départ. Aux dernières nouvelles, il aurait pris ses quartiers à Abidjan dans une résidence à lui prêtée par l'hospitalier voisin qui, à vrai dire, n'a autres choix que de lui renvoyer l'ascenseur.

Il n'y a rien de plus affligeant que de se retrouver hors de sa mère patrie, prisonnier « dehors » dans une prison sans barreaux ni toit, sans gardiens ni gardes pénitenciers, seul hors de l'estime des siens. La profondeur de cette souffrance est à la hauteur de l'aura du règne du « roi » déchu.




Après 27 ans d'un règne sans partage, vivre désormais sans le pouvoir s'apparente plus à une renaissance qu'à autre chose, car il faudra apprendre à vivre autrement. Au-delà de l'oisiveté d'une vie de « jeune » retraité, quelles peuvent être les projets de Blaise COMPAORE dans cette errance qui ne dit pas son nom ? L'errance et le rejet sont souvent les mères de certains vices.

Je crois qu'après l'euphorie et l'émotion de la libération, le moment est venu d'avoir la tête froide afin de raisonner comme un Etat pour le meilleur du Burkina, et non comme de simples individus pour la satisfaction circonstancielle d'un instant. Un état n'a pas de sentiment ni d'amis, il a des intérêts à préserver ou à construire.


Au soir du 31 Octobre, COMAPORE a été prié de quitter le pouvoir, c'est ce que le peuple réclamait, pas de quitter le pays. Il a certainement choisi de partir pour des raisons de sécurité.


La bonne question est qu'est-ce qu'on gagne à voir Blaise COMAPORE errer comme un SDF ? Avons- nous intérêt à l'avoir à la maison ou dehors ?

Il est difficile d'aborder cette question sans se faire « lyncher » mais je fais partie de ceux qui sont mal à l'aise de savoir Blaise COMPAORE dehors, et je sais que nous sommes nombreux même si personne n'ose lever le lièvre. C'est pas une question de pardon ou d'amnistie, non il n'est pas question, mais simplement une question de logique et de bon sens à mon avis.

Quel intérêt avons-nous à savoir Blaise dans la nature ? Rien

Il a dirigé ce pays pendant 27 ans, tout n'a pas été rose mais ne soyons pas hypocrites, ce ne fut pas non plus 27 ans de négativité, même si le bilan est en deçà de nos attentes. Il a le statut d'ancien chef d'état, il n'a pas été déchu de sa nationalité Burkinabè et pour le moment il n'est pas sous le coup d'une poursuite judiciaire au niveau national, sa place est au Faso. Ce n'est nullement un honneur pour le Burkina que de savoir un de ces anciens chefs d'Etat en « errance » dans la nature comme un apatride.


Sa place devrait être en résidence surveillée à Ziniaré, résidence surveillée pour sa propre sécurité, mais aussi en attendant que sa responsabilité soit située dans les dossiers à problèmes de ses 27 ans de règne. Dans le cas où il y a des poursuites contre lui, comment juger quelqu'un qui est dans la « nature », même si on parle de coopération judiciaire on en sait aussi les limites(le cas Hissen Habré en est une illustration).


Une grande partie de ceux qui sont contre son retour évoque son potentiel de nuisance, effectivement l'homme a une capacité de nuisance hautement « toxique ». Après 27 ans de règne, l'homme a les moyens financiers, logistique, l'expérience, les connexions, et les réseaux nécessaires pour déstabiliser le Burkina depuis le fond d'une grotte en Afghanistan s'il le veut. C'est même plus facile pour lui de le faire hors du pays d'autant plus qu'il échappe à notre surveillance et à notre contrôle de là où il est, donc pour moi c'est un argument qui ne tient pas. Et même dans l'éventualité d'une volonté de déstabilisation, négocier est souvent mieux que de voir son sommeil perturber pour une durée indéterminé, connaissant la capacité de nuisance de son adversaire c'est pas une question d'orgueil mais de lucidité(un mauvais arrangement est souvent mieux qu'un bon procès). En résidence surveillée à Ziniaré, on aurait au moins l'œil sur ses faits et gestes.


Il y a un dernier aspect non négligeable qu'on occulte très souvent, ce monsieur au-dessus de ses 27 ans de règne a tissé des réseaux, des connexions, des soutiens importants qui pourraient être utiles au Burkina. Un pays n'a que des intérêts, ce n'est pas une question d'orgueil mais d'intérêts pour le pays, sur certains points des deals ou des concessions devront être faites pour le meilleur du Burkina.


Cela peut paraitre un peu tôt au vu des objectifs et du délai de la transition, mais c'est une donne qu'il faudrait avoir à l'esprit car sans forcément se précipiter, l'actuel président du Faso pourrait déjà envoyer des émissaires en vue de rencontrer Blaise COMAPORE sur la question.

Le président Dramane OUATTARA a envoyé Gbagbo à la CPI au lieu de le faire juger au pays, mais seul l'histoire nous dira lequel des deux laissera le plus de plumes dans cette procédure car les apparences sont souvent trompeuses, l'histoire nous dira aussi si cela aura rendu service à la CI. Comparaison n'est pas forcément raison mais les intérêts du Burkina doivent aller au-delà de nos frustrations légitimes et de notre rancune compréhensible


Au-delà de toute considération, je crois qu'il y a toujours quelque chose de bon à tirer du soldat Blaise COMPAORE. Au lieu de le laisser « errer » comme un apatride, ramenons notre « roi » déchu à la maison et lavons notre linge sale en famille, jugeons le s'il est coupable de crimes et voyons ce qu'on peut toujours en tirer de bon, toujours dans le sens de la réconciliation et de la reconstruction. C'est cela aussi le Burkindi.


Salif Ackermann Ouedraogo





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