Mouvement d'humeur au sein de la sécurité présidentielle : Le conseil des ministres annulé et le premier ministre chez le Mogho Naaba

Publié le mercredi 4 février 2015


L'information a fait le tour de Ouagadougou, la capitale, tôt ce mercredi matin : des éléments du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) ont empêché la tenue du traditionnel Conseil des ministres. Les ministres qui arrivaient auraient été sommés de faire demi-tour tandis que le Premier ministre lui s'était déjà réfugié chez l'empereur des Moosé, le Mogho Naba Baongo. Débute alors un huis clos qui aura été l'attraction du jour.




Ceux qui étaient très tôt à la présidence de Kosyam ont dit avoir aperçu l'ex chef d'Etat- major particulier de la présidence le Général Gilbert Diendéré échanger avec le président Michel Kafando. Ils auraient ensuite pris congé l'un de l'autre avant que le général ne fasse le déplacement du palais de l'empereur. Il n'y aurait pas passé un long temps avant de rebrousser chemin. L'ancien président Jean Baptiste Ouédraogo aurait lui aussi fait le déplacement avant de repartir. C


'était le matin avant 09 heures.

Des premiers recoupements il ressort que les militaires du RSP ont effectivement voulu réserver une désagréable surprise au premier ministre, eux qui projetaient de lui rappeler qu'il n'a pas respecté les engagements pris le 30 décembre dernier de renoncer à la réforme de leur régiment, mais aussi de nommer les personnes de leur choix aux postes de commandement. Un rappel qui prendrait quelle forme ? Nous ne le savons pas pour le moment. Toujours est-il que les services du premier ministre ont flairé le danger et ont préféré mettre leur champion en lieu sûr : le palais du Mogho.


Devant l'entrée principale du palais du Mogho Naaba, c'est une foule de curieux dissertant sur l'information du jour que nous avons trouvée. Presque tous ici étaient remontés contre le « RSP » qu'ils accusent de vouloir troubler le sommeil de la population. Avec des propos dont le tonitruant a attiré progressivement d'autres passants.


A l'intérieur de la cour, ce sont les hommes de média qui faisaient le pied de grue. Inutile de dire qu'il n'y avait pas de place assise ici. Seuls avaient ce privilège deux hôtes de l'équipe du premier ministre : son aide de camp, kaki militaire, les yeux permanemment rivés sur le téléphone portable qu'il ne cesse de tripoter. A un confrère qui a voulu lui arracher quelques informations, il lui a opposé le refus catégorique de parler. A côté de lui un autre, en bazin couleur or. Ils sont tous les deux adossés au mur de la bâtisse, sur le même banc, mais semblent s'adresser très peu la parole.


Et le premier ministre ? Demandons- nous à un confrère. Sa réponse empreinte d'humour : « Il est calé dedans. Réfugié politique ». Avant de poursuivre : « Un militaire qui vient se réfugier chez un civil ».


Une longue attente


14h19, c'est Samuel Yaméogo, président de la Fédération des Eglises et missions évangéliques du Burkina Faso qui fait son arrivée. Il est accueilli et introduit. Un quart d'heure après, un mouvement d'ensemble. Tous les véhicules font mouvement vers la sortie et disparaissent dans la ville, et c'est le véhicule du pasteur qui boucle la marche. Point de premier ministre dans les véhicules qui sont sortis sous nos yeux. A ce même moment, quelqu'un qui semble avoir bien suivi les différents mouvements fait savoir que celui- ci est sorti par une porte dérobée. Personne pour dire quoi que ce soit à la presse.


Cinq minutes après, un bolide noir sans immatriculation fait son entrée dans la cour. Il en ressort presqu'immédiatement après, à vive allure, le téléphone portable du chauffeur collé à l'oreille. On n'en saura pas plus. C'est pendant que nous étions en pleines conjecture qu'un visiteur interrompt la quiétude de la cour royale. « RSP là, on ne veut pas. Ils n'ont qu'à laisser le Mogho Naaba tranquille », lance à vive voix Boureima Diallo, 62 ans, travailleur à la retraite. Et de poursuivre : « Ils n'ont qu'à laisser notre pays tranquille, mon Dieu. Ils ont tué nos enfants. A Kosyam- là, qui a tué nos enfants, ce n'est pas le RSP ? Ce n'est pas le RSP, qui a tué nos enfants ? Ils n'ont qu'à nous laisser tranquilles mon Dieu, merde ! ». Les curieux qui étaient à l'extérieur, occupent progressivement la cour du roi. Et les discours ne manquent pas de piquant.


« Ils n'ont qu'à laisser la transition faire son travail. Elle a besoin de soutien. Les gens ont fait l'insurrection et ils sont rentrés se coucher. Ce n'est pas juste ! Voilà ils ont des problèmes. Les gens doivent sortir pour qu'on soutienne Zida et Kafando pour qu'ils finissent la transition. RSP là, ils ne dépassent pas l'Armée nationale. Est- ce que nous on dit qu'on ne veut pas notre Armée nationale ? C'est le RSP qu'on ne veut pas. On ne les empêche pas de travailler, ils peuvent le faire dans l'Armée. Mais ce régiment- là, nous on ne veut pas. » Martèle Massourou Guiro, sankariste comme il se définit lui- même.


Sous les acclamations nourries de l'assistance, Nanéma Apollinaire veut bander des muscles. Son propos qu'il termine par un « La patrie ou la mort… » sankariste : « Nous voulons la paix dans notre pays. Nous ne voulons que la paix. Si le RSP se dit fort aujourd'hui, qu'il aille combattre Boko Haram au Nigéria au lieu d'emmerder le peuple ici. Le RSP, c'est fini. Il était là à la solde d'un individu, cet individu n'est plus là, qu'on laisse le peuple vivre tranquillement. Sinon ça va chauffer. Et je vous dis, nous nous allons combattre jusqu'à la dernière goutte de sang dans ce pays. »


Certains avaient commencé à sonner la mobilisation de la place de la révolution pour 16H. Cela pour demander une dissolution sans condition du RSP. Entre temps c'est Hervé Ouattara du Collectif anti référendum (CAR) qui arrive sur les lieux. Plutôt revenu puisqu'il était là très tôt le matin. Monsieur Ouattara déclare avoir rencontré le Général Diendéré mardi pour en savoir un peu plus sur la grogne qui s'annonçait, mais n'en aurait rien tiré de concret. Le Général aurait survolé les choses. Et quand il veut protester contre ce qu'il dit avoir vu venir, c'est difficilement qu'on l'arrête.


Pour lui, « Aujourd'hui, quoi qu'on dise, les gens veulent nous faire comprendre que sans Blaise Compaoré, le pays est ingouvernable. Nous ne sommes pas contre l'inclusion mais nous disons que depuis un moment donné, le CDP (ex parti au pouvoir, ndlr) s'est reconstitué et avec l'aide du RSP, ils veulent bousculer la transition. Tout ce qu'ils veulent aujourd'hui, c'est démettre le premier ministre et le président afin de faire monter d'autres personnes. Mais c'est une chose que le peuple ne va pas tolérer. La façon dont nous avons libéré notre pays les 30 et 31, c'est de la même façon que nous allons le libérer une fois de plus et pour toujours. C'est pourquoi nous demandons à la jeunesse de ce pays de ne pas se laisser divertir. Nos ambitions sont claires, notre détermination n'est plus à démontrer. Restez mobilisés à partir de ce soir. Même s'il faut dormir chez Zida on va dormir là- bas. Mais nous disons que tous ceux- là qui pensent que c'est parce qu'ils ont des armes qu'ils pensent qu'ils peuvent venir à bout de ce peuple- là, ils ont menti. Ceux qui pensent qu'ils peuvent à partir de la Côte d'Ivoire déstabiliser le Burkina Faso, ils ont menti. Et nous allons leur montrer que c'est le peuple qui dirige le pays jusqu'à présent… Depuis la Côte d'Ivoire, des financements rentrent dans ce pays. Des gens ont financé des manifestations dans ce pays. Leur objectif c'est déstabiliser ce pays. Et nous n'allons pas tolérer cela. Raison pour laquelle je demande à tout le monde, partout dans vos quartiers et arrondissements, mobilisez- vous. Prenez ce que vous pouvez prendre avec vous. Ceux qui vont nous attaquer, nous allons riposter ? Il ne faut pas que les gens croient qu'on est faible. A partir de ce soir nous allons prendre notre destin en main. »


A entendre le coordonnateur du CAR les différentes organisations de la société civile sont en concertation en promettant que les directives seront incessamment données.


Rappelons que le 30 décembre dernier, un mouvement d'humeur du même régiment aurait organisé ce que d'aucuns ont appelé une « humiliation » du premier ministre Yacouba Isaac Zida. Ce dernier aurait été extrait de la même salle du Conseil des ministres pour être entendu sur ce que « la troupe » qualifie de trahison. Entre autres griefs à lui faits, son intention de réformer le régiment. Les éléments n'auraient pas aimé qu'étant lui- même issu de ce régiment, il ait un tel projet dans les tiroirs.


Une autre « exigence » ce jour- là : que le premier ministre, par ailleurs ministre de la défense nomme les personnes de leur choix à la tête du régiment. Une exigence assortie d'un délai de trois semaines. Le délai étant expiré, les hommes du régiment auraient alors voulu se faire entendre ce mercredi. Foi d'un confrère qui a interrogé un haut gradé du RSP, « Zida a bien fait de n'être pas allé à Kosyam car tout pouvait arriver ».


Samuel Somda

Lefaso.net





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