Et si on changeait nos « petits comportements » …
L'ère du changement a sonné au Burkina Faso depuis les 30 et 31 octobre dernier. La grande partie des burkinabè affiche leur fierté d'avoir déboulonné Blaise Compaoré et ses 27 ans de régime. Qui l'aurait cru ? Même en rêve. Aujourd'hui, les mots vérité, liberté, justice sont sur les lèvres des burkinabè. Ils ont fait le boulot, comme disent les jeunes, « proprement » et à d'autres de dire que c''est de « manière chirurgicale ».
Nous sommes à l'heure d'une transition ou la soif du changement se traduit par la volonté d'aller vite, de changer et de transformer notre société. Souvent trop vite. Ce qui fait que le gouvernement de transition et son CNT ne savent plus où donner de la tête, et se perdent dans les décisions difficiles à expliquer.
Mais là n'est pas notre problème. Ce qui nous amène à prendre notre stylo et d'essayer d'esquisser un constat est celui propre aux comportements des burkinabè. Oui ! Nous avons voulu le changement ! Le changement est venu des luttes multiformes en allant des plus organisées au chaos. Nous sommes à l'heure de la reconstruction ou nous écrivons chaque seconde, minute, heure et jour une nouvelle page. Celle dont vont hériter nos enfants et nos petits enfants. La question qu'on se pose est, est-ce qu'on s'interroge, nous burkinabè, sur nos propres comportements individuels et collectifs au quotidien ? Est-ce qu'on s'évalue par rapport à ce changement que nous voulons de notre société ? « Plus rien ne sera comme avant ! » ça c'est ce que nous voulons des premiers responsables, mais nous-mêmes où nous situons-nous ?
Simples remarques et questionnements pour commencer. Quotidiennement combien sont-ils des burkinabè à ne pas respecter le feu rouge depuis les 30 et 31 octobre ? Combien sont-ils à attendre patiemment leur tour dans un rang pour payer les factures à l'ONEA, la SONABEL, l'ONATEL ? Malgré l'installation des guichets numérisés pour que les gens attendent leur tour, il se trouve des personnes pour traiter avec les parkeurs, les vigiles et autres entremetteurs qu'elles « graissent » afin d'obtenir une meilleure position dans la file d'attente. N'est ce pas dégoutant d'attendre des heures et de voir un nouvel arrivant passer devant soi à la caisse ?
Qu'à cela ne tienne, une autre observation de façon récurrente, des comportements anodins, qu'on pense à petite échelle et qui sont dévastateurs. C'est par exemple le réflexe pour le burkinabè de faire appel toujours à une relation dans une direction, un ministère, un service public, pour lui traiter rapidement son dossier. Or ce genre de comportement, bien que basé sur l'amitié, la camaraderie, installe malheureusement une dépendance des bénéficiaires des services public qui se croient obligés de solliciter des interventions pour faire avancer les dossiers ou avoir accès au service. Ce qui conduit évidement à une reconnaissance de services rendus qui se traduit par des cadeaux et autres. Donc pour avoir un service, l'on est prêt à débourser des sommes importantes, à glisser des pots de vins. Alors que tous, nous sommes bénéficiaires des services et par conséquent il n'ya pas de raisons pour que l'une ou l'autre personne soit privilégiée. Consciemment ou inconsciemment nous contribuons par nos « petits comportements » à installer la chienlit dans notre société.
Pire, déjà avec les nouvelles autorités du pays, vous allez assister au phénomène les plus inexpliqués rationnellement de fête de fin d'années. Personnellement, je suis curieux de savoir comment Kafando, Zida, et autres vont se comporter face au phénomène de courtisanerie. Il y a déjà des personnes, sans qu'on leur demande, dans certains ministères et services public qui vont parcourir les marchés à bétail pour acheter le plus gros bélier pour offrir au « chef ». D'autres iront sur les grandes surfaces pour charger les chariots de vins, champagnes liqueurs et autres cadeaux pour leur « chef ». Est- ce que ce dernier l'a demandé ? Et voilà que le zèle, la courtisanerie vont entraîner des centaines d'agents à parcourir la ville comme des fous pour rallier le « chef » à Pissi, Wayalghin, Nagrin, Ouaga 2000... le jour de l'an. Si fait, qu'une fois les fêtes passées, le « chef » doit exprimer sa reconnaissance envers ceux qui se sont illustrés. Ceux qui par malheur ne se seraient pas exécuter, le paient cash. Comment dans cette ambiance de redevance on peut être objectif et impartial dans les prises de décision et dans la gestion de la chose publique ?
C'est par conséquent nos « petits comportements » de vouloir plaire qui entraînent à des « grands comportements » de nos chefs. L'on peut comprendre cela dans les sociétés privées, le monde des opérateurs économiques et, même cela, il ya des codes. Mais dans un service public, il n'ya aucune raison à être prompt dans la donation de cadeaux à son « chef » en fin d'année ou lors d'une fête qu'elle soit animiste, musulmane ou chrétienne. Il n'y a pas d'obligation et devoir. Nous en faisons trop, et bien sûr cela renforce chez les « chefs » qui ont obligation de servir, à se servir.
Ce qui était des pratiques courantes, dans l'ancien régime, on pouvait observer que lorsqu'il y a remaniement, les téléphones crépitent. « Ah c'est mon gars qui vient d'être nommé » « Donc, ton dossier va enfin aboutir ? »… « Est ce que tu connais un tel …vite on va le rencontrer pour notre affaire… ». Finalement le pauvre ministre qui vient d'être nommé devra contenter pour x raisons politiques, sociales et finalement il ne ferra plus correctement ce qu'il était venu faire. Il s'en suivra les courtisans des premiers cercles, deuxième cercle d''amis. Monsieur le ministre devient une personne transformée, peut être parce que lui-même était transformable ou que les autres l'ont transformé.
Pour conclure, passer devant sans le mériter, abuser de son statut, de sa fonction ou de sa position, passer outre les cadres légaux pour régler les problèmes, utiliser son influence, piétiner les droits des autres, être arrogant et suffisant, être courtisan, zélé, faire l'entremetteur, courir après les promotions sans pour autant avoir le mérite, sont un ensemble de « petits comportements » burkinabè qui doivent être bannis pour que le changement tant désiré s'installe durablement et favorise le développement. Car la démocratie et le développement se paient à un prix très cher, celui du changement de nos comportements, de nos mentalités, de notre « culture » de facilités, de profit individuel, de gain facile. Si tous les burkinabè, à quelques niveaux qu'ils soient, abandonnaient leurs habitudes et « petits comportements », nous ferons du bien au changement.
Evariste ZONGO
Journaliste
via leFaso.net, l'actualité au Burkina Faso http://ift.tt/1wQ4ut4