La propagande médiatique relative à la révision du traité Ohada à l’épreuve de la vérité des textes

Publié le lundi 2 novembre 2015

Le Traité relatif à l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (Ohada), signé le 17 octobre 1993 à Port-Louis et entré en vigueur le 18 septembre 1995, a été révisé au Québec au Canada, le 17 octobre 2008. Autrement dit, le Traité Ohada n’a été toiletté pour la première et seule fois que le 17 octobre 2008, c’est-à-dire quinze (15) ans jour pour jour après sa signature. Cette réforme visait à:

-conforter le dispositif institutionnel de l’organisation,

-augmenter le nombre de langues de travail ainsi que l’effectif des juges de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (Ccja),

-améliorer le système d’arbitrage de la Ccja.

Cet amendement montre clairement que le Traité Ohada est modifiable. Seulement, la révision de ce Traité obéit à un rituel qui exige une procédure précise, des formes et délais déterminés.

S’agissant de la procédure, l’article 61 dudit Traité prévoit qu’il «peut être amendé ou révisé si un Etat-partie envoie, à cet effet, une demande écrite au Secrétariat Permanent de l’Ohada qui en saisit le Conseil des Ministres.

Le Conseil des Ministres apprécie l’objet de la demande et l’étendue de la modification.

L’amendement ou la révision doit être adopté dans les mêmes formes que le Traité à la diligence du Conseil des Ministres.» En ce qui concerne les formes et délais, l’article 52 du Traité indique que «Le présent Traité est soumis à la ratification des États signataires conformément à leurs procédures constitutionnelles.

Le présent Traité entrera en vigueur soixante jours après la date du dépôt du septième instrument de ratification. Toutefois, si la date de dépôt du septième instrument de ratification est antérieure au cent quatre-vingtième jour qui suit le jour de la signature du Traité, le Traité entrera en vigueur le deux cent quarantième jour suivant la date de sa signature.» Concrètement, pour modifier le Traité Ohada, il faut que:

1) l’État qui entend exercer le droit d’amendement saisisse le Secrétariat Permanent d’un projet de révision,

2) le Secrétariat Permanent le soumette au Conseil des Ministres,

3) le Conseil des Ministres l’examine et le fasse adopter par la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement.

Par ailleurs, il n’est pas exclu qu’une commission d’experts soit constituée par le Conseil des Ministres pour l’aider à former sa religion sur la réforme engagée par un État. L’amendement, lorsqu’il est adopté, est soumis à la ratification des Etats-parties. Le Traité ainsi révisé entre en vigueur soixante (60) jours après la date du dépôt du septième instrument de ratification. Toutefois, si la date de dépôt du septième instrument de ratification est antérieure 180ème jour suivant la signature du Traité, celui-ci entre en vigueur le (240ème) jour suivant la date de sa signature. Autrement dit, les instruments de ratification doivent être déposés au moins par sept (07) États avant l’expiration d’un délai de six (06) mois, à compter de la signature du Traité par les Chefs d’État et de Gouvernement. Passé ce délai, le Traité entre en vigueur, deux (02) mois au plus tard, soit huit (08) mois après sa signature, malgré le défaut de ratification ou de dépôt d’instrument de ratification par les Etats-Parties.

Il s’ensuit qu’une révision du Traité Ohada ne peut intervenir en moins de huit (08) mois. Mieux, l’Ohada a créé un espace juridique communautarisé où la volonté d’un État ne peut être érigée en norme juridique qu’autant qu’elle aura été acceptée par les autres États membres de l’organisation à qui l’État initiateur d’une réforme ne peut imposer son agenda et son désir.

Pire, les juges de la Ccja humiliés, provoqués et insultés proviennent de treize (13) États sur les dix-sept (17) que compte l’Ohada. Conséquence, avec la posture adoptée par le Bénin, il n’est pas évident que ces États abandonnent leurs concitoyens siégeant à la Ccja pour cautionner la position de dénigrement et subitement réformatrice des autorités béninoises.

Enfin, si à chaque expression de colère ou de manifestation de frustration d’un Etat-partie ayant succombé à un procès devant la Ccja, le Traité de Port-Louis révisé au Québec doit être opportunément amendé, l’insécurité juridique et judiciaire que l’Ohada a vocation à combattre risque d’être son talon d’Achille.

En conclusion, si l’État béninois souhaite exercer son droit d’amendement du Traité Ohada, il serait judicieux, dans l’intérêt supérieur de la nation et surtout pour éviter que le Bénin ne soit encore la risée de la communauté internationale, que le Gouvernement rende public le projet de réforme qu’il entend soumettre au Secrétariat Permanent de l’Ohada pour y recueillir les observations d’une large couche de la population.

Michel Adjaka, Président Unamab


via La Presse du Jour http://ift.tt/1H0sL8s

Categories: ,